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Lotus Eddé Khouri et Christophe Macé : Entretien
Structure-couple est la rencontre entre une danseuse/chorégraphe et un plasticien/danseur qui développent des miniatures chorégraphiques.
Avec Bakstrit, une performance présentée au Socle dans le cadre de Faits d’Hiver (28 et 29 janvier) et Fatch programmée les 6 et 7 février prochains à l’Atelier de Paris, les deux artistes dévoilent leurs styles très personnels de création lors d’un entretien qui s’est déroulé à Micadanses.
DCH : Quand vous êtes-vous rencontrés ?
Lotus Eddé Khouri : Il y a six ans nous avons commencé à travailler ensemble avec Christophe Macé sur une pièce dans laquelle j’avais besoin d’un sculpteur. Cosy était construite à partir d’une simultanéité d’actions : la chorégraphie avec deux danseurs, un musicien et un sculpteur. Ils évoluaient dans le même espace alors que chacun avait des tâches très différentes à accomplir pour finir par se rejoindre tous ensemble.
DCH : Christophe Macé était donc sur scène, mais comment avez-vous compris qu’il pouvait aussi être danseur ?
Lotus Eddé Khouri : Il avait la mission très concrète de construire une cabane en direct puis de la déplacer. C’était très lourd et périlleux, donc il devait organiser tout son corps pour la porter très lentement et joliment. Et là, en le regardant faire, j’ai compris qu’il s’agissait d’une scène de danse.
DCH : Et c’est ainsi qu’est née Structure-couple ?
Lotus Eddé Khouri : Oui, en 2014 en Belgique. Au début nos recherches se basaient sur le rapport sculpture et danse. Finalement, on s’est mis très vite à impliquer nos corps en cherchant des gestes que nous pouvions faire tous les deux qui, potentiellement, pouvaient devenir une danse. A l’époque, nous n’imaginions pas que Structure-couple deviendrait un projet illimité.
DCH : Vous avez donc appris le mouvement dansé ?
Christophe Macé : Oui, et même très rapidement. Mais il n’y a rien d’exceptionnel parce-que tous les peintres et tous les sculpteurs pratiquent le geste.
Nous avons opté pour la construction d’un socle différent pour chaque pièce. Socle sur lequel se déroule le show en corrélation avec la musique revisitée par Jean-Luc Guionnet. Nous formons une sorte de noyau reconfiguré.
DCH : La danse, le socle sculpté et la musique sont donc irrémédiablement les bases de vos créations. C’est une façon très personnelle et très originale d’aborder la danse contemporaine.
Lotus Eddé Khouri : Exactement. La musique est la fondation de nos créations, elle est notre dramaturge étant donné qu’elle influence l’univers de chaque ouvrage. La chanson ou l’extrait trouvé, qu’il s’agisse de Bach, de jazz ou d’une autre mélodie, est décliné, remixé à l’infini par Jean-Luc. Ensuite, après avoir écouté des centaines de fois le morceau choisi, Christophe et moi nous lançons dans l’étude d’un socle qui nous semble le plus adapté à ce choix. La chorégraphie arrive ensuite, et là, il se peut que le socle soit véritablement la bonne idée, soit, il faut le remanier, le transformer. C’est un long travail de création que nous faisons avec le soutien d’une caméra qui est en quelque sorte notre regard extérieur.
DCH : Vous faites aussi une déclinaison de pièces sur Bach
Christophe Macé : Effectivement, toutes celles ayant BAK dans le titre le sont. Bakstrit programmée à Faits d’hiver, (28 et 29 janvier) sera une boucle de 10/12 minutes répétée cinq fois en continu afin de proposer une performance d’une heure. Nous serons installés dans la rue, à 18 h, soit au passage du jour à la nuit. Ainsi, nous allons jouer avec la lumière naturelle puis avec les éclairages de la rue qui vont apporter une autre vision de cette pièce. Danser dans une rue permet non seulement d’interpeller les passants en suscitant leur curiosité mais leur donne aussi le choix de s’arrêter cinq minutes ou une heure devant un objet artistique. Nous jouons très souvent dans des lieux atypiques comme des appartements, des églises, des places, des musées, des hangars…. Etant donné qu’à chaque fois nous devons nous adapter à la configuration de l’emplacement cela donne une version différente de l’ouvrage.
DCH : Fatch, l’une de vos dernières créations, sera jouée à l’Atelier de Paris les 6 et 7 février
Lotus Eddé Khouri : Nous l’avons créée en novembre grâce au soutien de Paris Réseau Danse. La pièce se conjugue sur la chanson Sometimes I feel like a motherless childinterprétée en 1943 par le pianiste et organiste Fats Waller. Après avoir décortiqué cette musique, nous avons, pour la première fois, pris le parti de quitter notre procédé de boucle musicale grâce à Jean-Luc Guionnet, (compositeur, saxophoniste et organiste), qui a décomposé ce morceau de jazz de façon très abstraite.
Christophe Macé : Le socle est comme un clavier de piano avec des touches pleines et des touches creuses qui sont chacune de la taille d’un pied. Nous évoluons en équilibre sur cette surface et donnons le sentiment d’actionner ce clavier.
Lotus Eddé Khouri :Dans la même soirée, nous présentons Boomerang sur une chanson de Serge Gainsbourg. Là nous sommes minutieusement perchés sur des chaussures-sculptures. Nous pensons qu’il est intéressant pour le spectateur de pouvoir comparer nos différentes écritures musicales, gestuelle et plasticiennes en assistant à deux ou trois pièces, car aucune ne ressemble à une autre.
Propos recueillis par Sophie Lesort
Bakstrit à Faits d‘hiver, au Socle à 18 h
Fatch et Boomerang les 6 et 7 février à l’Atelier de Paris/CDCN
Bakstrit: Conception, réalisation, interprétation : Composition musicale : Jean-Luc Guionnet, d’après l’adagio BW 564de Jean-Sébastien Bach
Fatch : Conception, réalisation : Lotus Eddé-Khouri, Christophe Macé, Jean-Luc Guionnet
Interprétation chorégraphique : Christophe Macé & Lotus Eddé-Khouri
Composition musicale : Jean-Luc Guionnet
Scénographie : Christophe Macé
Lumières : Baptiste Joxe & Structure-couple
Boomerang : Création et interprétation : Christophe Macé & Lotus Eddé-Khouri
Son : Jean-Luc Guionnet
Lumière : Baptiste Joxe
Image de preview © Jacky Joannès