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« Diotime et les lions » de Mylène Benoit & Magda Kachouche
La danse du lion, réinventée selon le roman d’Henry Bauchau. Où le devenir-lion est une voie du devenir-femme. Diotime peut-elle encourager ses plus jeunes spectatrices?
« Diotime est issue d’une grande lignée familiale, dont les plus lointains ancêtres étaient des lions », écrivent les conceptrices de ce spectacle En effet, la relation entre humains et lions n’est pas circassienne, mais millénaire et mythique. D’où un intérêt à entrées multiples pour ce duo créé par une danseuse et une projectionniste-récitante. Adaptation chorégraphique du roman éponyme d’Henry Bauchau, publié en 1991, Diotime et les lions s’adresse à un public jeune - mais pas que. La portée du roman, qui ne s’apparente en rien à un livre d’aventure pour adolescents, est d’ordre philosophique et universel. S’y enchevêtrent la mythologie, la sortie de l’enfance, le voyage initiatique, la remise en cause de traditions trop figées et la libération de la femme.
Des lions et des hommes
Dans la culture chinoise, le lion est à la fois un symbole de force, de courage et de sagesse. La danse du lion y occupe une place importante. Et le chorégraphe kenyan Fernando Anuang'a, actuellement en préparation de Massaï Footsteps, un projet de création pour trente danseurs Massaï, constate: « Dans la Savane actuelle, les lions disparaissent à cause du manque d’espace, d’asphyxie industrielle et de l'arrêt du nomadisme. Le peuple Massaï et les lions ont longtemps partagé leur territoire, avec respect, instinctivement, sagement, en bonne intelligence, jusqu’à ce que le déséquilibre vienne d’ailleurs ». Selon lui, l’avenir des hommes et des lions est « intimement lié. »
La danse de Diotime
Jeune fille, Diotime brûle d’impatience pour participer à la lutte rituelle entre humains et lions, mais celle-ci est réservée aux hommes. Son grand-père autorise la transgression: « Tu seras l’initiatrice d’une nouvelle tradition ». Pour ce faire, l’adolescente doit aborder l’inconnu. Henry Bauchau fait dire à son héroïne qui a quatorze ans et donc un âge où on remet en question l’héritage de ses parents et de sa culture: « Une danse très lente s’est emparée de moi et elle était comme un chant. Un voile rouge et obscur s’est étendu sur mes yeux, je suis devenue sourde et j’ai été pénétrée par l’odeur du lion et par le goût de son sang sur mes lèvres. Je descendais en dansant la pente d’un temps très obscur, je traversais des millénaires et je parvenais jusqu’à l’antre des ancêtres, au milieu des dieux lions. »
Spectacle circulaire
Les spectateurs, tous âges confondus, s’installent ici en cercle, un peu comme dans un rond antique ou de cirque. La tête affublée d’un masque de lion, Céline Cartillier dessine ses mouvements dans une énergie douce et une belle légèreté. Plongée dans une lumière noire, sa Diotime révèle la face cachée de la lionne. Face aux collages créés en direct et projetés sur un écran composé de cubes blancs, la relation entre Diotime, son père et son grand-père se construit dans une danse « hors du temps » à laquelle se superposent les projections et la narration en direct (Magda Kachouche ou Mylène Benoît).
Si les références du roman de Bauchau ne sont pas forcément saisissables pour les plus jeunes spectateurs, Mylène benoit leur propose une initiation sensible qui leur ouvre des voies vers l’intérieur de cette fable. Les petits reçoivent en effet des flammes à agiter et des instruments pour imiter le grondement du lion. Mais ils doivent patienter jusqu’à la fin, pour les employer, histoire de maintenir le suspense...
Artiste à la curiosité pluridisciplinaire, Mylène Benoit co-signe ici avec Magda Kachouche - artiste plasticienne et collaboratrice artistique de la chorégraphe depuis 6 ans - sa première pièce pour jeunes spectateurs, dans une forme très contemporaine où résonnent - et c’est vrai aussi pour la musique signée Nicolas Devos et Pénélope Michel - de lointains échos d’autres temps et continents. La narratrice résume parfaitement cette relation, avec les mots de Bauchau : « La danse nous ramenait peu à peu à l’origine du monde. Jamais le monde n’avait été aussi beau et aussi cruel. » Et la danse du lion n’a jamais revêtu autant de strates, ni une telle transparence dans une nuit aussi lumineuse.
Thomas Hahn
Festival Les Petits pas, Roubaix, Le Gymnase, 5 décembre 2018
Diotime et les lions
Conception : Mylène Benoit et Magda Kachouche
D’après Diotime et les lions, d’Henry Bauchau
Avec : Céline Cartillier et Magda Kachouche (en alternance avec Mylène Benoit)
Création musicale : Nicolas Devos et Pénélope Michel
Textes des chansons : Céline Cartillier, Mylène Benoit, Magda Kachouche
Costumes : Frédérick Denis
Accessoires : Sarah d’Haeyer
Création lumière : Antoine Crochemore, Mylène Benoit, Magda Kachouche
En tournée 2019:
1er et 2 février : Le Havre, festival Pharenheit
5 – 9 mars : Valenciennes, Le Phenix
22 mars : Maubeuge, Le Manège
14 mai : Armentières, Le Vivat
23 mai : Lille, Le Grand Bleu
Et aussi :
https://www.gofundme.com/maasai-footsteps
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