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Festival Les Petits pas
A l’approche des fêtes, les pièces pour enfants se multiplient. A Roubaix, à Lille et dans tous les Hauts-de-France, un festival leur est dédié, Les Petits Pas, qui atteint cette année l’âge adolescent. C’est dans ce cadre que nous avons assisté et, d’une certaine manière, participé à deux œuvres étonnantes, longues, a priori, pour un tel public mais, littéralement, sensationnelles : Deep are the woods, d’Eric Arnal-Burtschy et D’à côté, de Christian Rizzo.
Danse light
L’installation d’Eric Arnal-Burtschy, vue au Gymnase roubaisien, peut faire songer au mythe de la caverne, aux attractions foraines genre palais des glaces ou train fantôme, aux illusions d’optique, astuces perspectives et infinis pavages en trois dimensions d’un Maurits Cornelis Escher. Et également, en raison de sa non figuration, aux modulations de lumière de Laszlo Moholy-Nagy, aux explorations infographiques d’un Stan Vanderbeek ou d’un Ryoji Ikeda, ainsi qu’aux « light cones » d’un Anthony McCall ou d’un Giovanni Martedi. Pour ce qui est de la danse, le dispositif est voisin de celui qu’utilisait Stéphanie Aubin dans Ambiente (2013) : un vidéo-projecteur fait face à l’observateur, dessine ou décline une infinité de lignes et de plans perspectifs rendus tangibles (ou presque) par des écrans de fumée.
Ici, le spectacle n’est pas dans la rue – l’obscurité et la paisibilité y sont de rigueur, et l’expérience se passe fort bien de musique ou de bande son – mais il n’est pas non plus donné tel quel ou tout cru à contempler. Il est à faire, à provoquer, à créer par le spectateur même, isolément ou en petit groupe. Le fumigène, à base de sucre, quasiment écolo, donc, n’a d’autre objet que celui de fixer (fugitivement) les espaces inventés par l’artiste au moyen d’un logiciel.
Eric Arnal-Burtschy ne vise ni effet dramatique, ni camouflage militaire, ni étrangeté particulière, comme celle résultant des nuées de vapeur artificielle obtenues par Marey pour son étude globale du mouvement. La perspective bruneslleschienne est certes mise en cause, d’autant que quatre projecteurs viennent à un certain moment complexifier la fluctuante structure, dédoublant les sources lumineuses, donc aussi les points de fuite ou de départ. A part les claustrophobes, s’il en reste, ce light show devrait continuer longtemps à enchanter petits et grands.
Illuminations
La grande salle du Grand Bleu, bondée de bambins de tous âges, sages comme des images (ils ont d’évidence été accoutumés à la danse par les professeurs des écoles) montrait, après Montpellier et avant Chaillot, la nouveauté de saison du multi-talentueux Christian Rizzo, à la fois chorégraphe, designer et scénographe.
D’à côté dévoile ce qui, généralement, demeure hors champ, l’à rebours du spectacle (n’était la connotation décadente prise par cette expression depuis Huysmans), sans jamais en rompre le charme, bien au contraire. L’auteur s’y auto-cite coquettement de deux manières : en triplant le parallélépipède rectangle de son opus Ad noctum, en variant les effets des guirlandes de leds programmés par ordinateur dans Le Syndrome Ian et en faisant ressurgir le personnage poilu, mi-Walrus, mi-Chewbacca, de cette même œuvre – une Bête qui en annonce une autre, une araignée géante en fin de la représentation.
Les objets, la lumière et les hommes s’animent en un même espace-temps. Chaque composante du show garde sa rythmique propre, son poids, sa fluidité. Trois interprètes masculins, sobrement vêtus, en tenue d’infirmiers de bloc opératoire (les sabots Crocs en moins), chacune d’une teinte différente et très vive (rouge, vert, bleu : comme le signal vidéo, en l’occurrence en noir et blanc, d’Iuan-Hau Chiang), alterneront soli, duos, pas de trois avec les clignotements d’iodes électroluminescentes et les déplacements des pans de muraille meublant l’arrière-scène, au son d’une bande électro-acoustique efficace signée Pénélope Michel et Nicolas Devos.
Galerie photo © Marc Coudrais
Les danseurs jouent les machinos et les déménageurs, bougeant à vue les murs qui semblent avoir des yeux en lieu et place des oreilles. La qualité de la danse est impeccable. A part, peut-être, un moment de baisse d’attention du public (palpable à la réaction sonore) après la projection des visages du trio (Nicolas Fayol, Bruno Lafourcade et Baptiste Ménard), la proposition dysnarrative a captivé l’auditoire dans son ensemble.
Nicolas Villodre
Vu le 12 décembre au Festival Petits pas
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