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« Solstice » de Blanca Li
Blanca Li, nouvelle activiste écologiste ?
Solstice entend rendre hommage à la nature. Et ce n’est pas la fin du spectacle qui noircit le tableau.
Bucolique ? Oui, mais d’une drôle de manière. Catastrophiste ? Oui, mais non sans dessiner de sombres mandalas, en pleine tempête chorégraphique. Chaillot-Théâtre National de la Danse accueille la nouvelle création de Blanca Li sur plusieurs semaines pour frapper un grand coup en ouverture de saison. En effet : Quinze danseurs et un griot-chanteur-bruiteur-percussionniste de grand talent assurent le spectacle.
La scénographie signée Pierre Attrait est éblouissante dans la légèreté de sa blancheur aérienne. Ce compagnon artistique de Blanca Li et concepteur dans l’événementiel (LVMH, Bulgari, Cartier...) a imaginé un baldaquin céleste pouvant rejoindre les danseurs au sol pour les bercer dans un paysage de neige, ou bien dans l’eau d’un océan apparemment immaculé. Une oeuvre en soi, transdisciplinaire, entre arts visuels et plastiques.
Galerie photo © Laurent Philippe
Hommage en images
Charles Carcopino, spécialiste du mapping, a puisé dans les images des films Human et Terra de Yann Arthus-Bertrand. De majestueuses vagues bleues, des tableaux presque abstraits du grand nord en sa blancheur éblouissante, le romantisme d’un étang sous une petite pluie... Cet hommage en images constitue, dans sa fusion avec les voiles ondulants mobiles et l’immersion des corps humains, l’aspect le plus spectaculaire de Solstice. Le message écologiste arrive à grand renfort technologique.
On est loin de l’artisanat démonstratif vu dans d’autres chorégraphies « durables » où la démonstration peut aller jusqu’à produire sur scène l’électricité consommée. Quand on demande à Blanca Li , qui signait sa dernière réussite autour des robots NAO [lire notre critique], si elle n’y voit aucune contradiction, elle répond que les nouvelles technologies sont justement celles qui peuvent réduire la pollution. Peut-être a-t-elle raison, mais le chemin sera long...
Galerie Photo © Laurent Philippe
Contrastes et lassitude
Solstice se divise en deux parties. D’abord des scènes de vie d’une communauté vivant en harmonie avec la nature. Une telle idée est en soi un risque artistique majeur, vu que le côté bucolique de la démonstration passe forcément à côté des nécessités dramaturgiques de la scène occidentale. En guise de compensation, Blanca Li tente d’assurer le spectacle par le nombre des interprètes. Mais la démultiplication augmente un peu plus le degré de lassitude chez le spectateur.
A quoi servent les interminables tirades gestuelles en unisson ? Qu’apporte la fausse nudité de costumes couleur chair ? Quelle logique oblige des êtres d’une tribu originelle imaginaire à une discipline de style militaire ? Avec sa danse drôlement uniformisée, ce corps de ballet ne crée aucun sursaut. Il brouille le message et oblige à marteler le message dans une fin caricaturale.
En seconde partie, la belle harmonie vole en éclats, quand un granulé couleur cendre envahit le plateau. Les danseurs s’agitent comme les esprits de la terre, piqués au vif par cette marée noire. Avec leur corps, les solistes dessinent d’abord de beaux graphismes incarnant un esprit d’harmonie cosmique, avant que la scène ne sombre dans un chaos savamment organisé (ma non troppo).
Message et oasis
La thérapie de choc par laquelle Blanca Li secoue son public trouve un prolongement dans la feuille de salle où la chorégraphe nous alerte sur les dangers de la pollution. Elle ajoute une feuille indiquant des associations travaillant, dans toutes sortes de domaines, pour la sauvegarde de l’environnement et donc des humains. Et chacun doit naturellement se dire qu’il peut bien y investir un peu d’énergie, vu l’engagement fulgurant des danseurs sur le plateau.
Le problème de Solstice est qu’il fallait bien y caser une centaine de minutes de chorégraphie pour une quinzaine de danseurs et que l’inspiration apportée se concentre sur le message, plus que sur l’invention et la composition chorégraphique. De ce côté, la pièce ressemble plutôt à une traversée du désert. Il y a, heureusement, quelques oasis où la caravane s’arrête autour d’un puits de beauté plastique.
Galerie photo © Laurent Philippe
Deux gros ventilateurs latéraux apportent à la pièce son plus beau souffle. Dans la bourrasque, des tissus blancs et ultralégers englobent et prolongent les corps, devenant eux-mêmes danseurs. Légers comme l’air, ils rendent visible le vent, dans toute son agitation et sa liberté. Les corps se fondent dans ces oriflammes qui vibrent d’une excitation inénarrable. Solstice se donne en pleine Fashion Week parisienne, et ce tableau y ferait un tabac !
Quant à la chorégraphe qu’est Blanca Li, elle se porte mieux quand elle s’amuse, avec des robots ou des danseurs électro. A force d’enfoncer des portes ouvertes à grands cris façon « Il faut agir! », elle oublie son rôle principal, celui de nous surprendre grâce aux danseurs.
Thomas Hahn
Spectacle vu le 26 septembre 2017
SOLSTICE
CHORÉGRAPHIE, DIRECTION ARTISTIQUE Blanca Li
SCÉNOGRAPHIE, DRAMATURGIE Pierre Attrait
IMAGES Charles Carcopino
MUSIQUE Tao Gutierrez
LUMIÈRES Caty Olive
COSTUMES Laurent Mercier
INTERPRETATION Yacnoy Abreu Alfonso, Peter Agardi, Rémi Bénard, Jonathan Ber, Julien Gaillac, Joseph Gebrael (en remplacement d'Iris Florentiny), Yann Hervé, Aurore Indaburu, Alexandra Jézouin, Pauline Journé, Margalida Riera Roig, Gaël Rougegrez, Yui Sugano, Victor Virnot (danseurs), Léa Solomon (stagiaire) et Bachir Sanogo (musicien)
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