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Faits d’Hiver : Tatiana Julien parle d’« Initio »

Tatiana Julien réunit danse, chant et musique pour Initio, un opéra chorégraphique créé au festival Instances et repris à Faits d’hiver. Elle en évoque ici les principes.

Danser Canal Historique : Vous créez Initio, un opéra chorégraphique, avec cinq danseurs, dont vous-même, et le chanteur Rodrigo Ferreira, sur une création musicale de Pedro Garcia-Velasquez.
Tatiana Julien :
J’en suis venue à faire un opéra chorégraphique avec Pedro Garcia-Velasquez dans la foulée d’une longue série de collaborations avec lui. Nous sommes de la même génération et nous nous connaissons depuis nos études au CNSMDP. Et j‘avais envie de travailler de nouveau avec le contre-ténor brésilien Rodrigo Ferreira qui a chanté dans ma pièce La Mort & l’Extase. Je l’ai aussi vu dans plusieurs mises en scène d’opéras où il a amené une présence physique et théâtrale très forte.

DCH : Quelles relations tissez-vous entre la danse et le texte ?
Tatiana Julien : Je voulais que la relation entre les danseurs et le texte ne soit pas illustrative. Les danseurs seront aussi des personnages, comme le chanteur, mais leur langage sera la danse. Le résultat, avec sa danse entre abstraction totale et ambiances narratives, est étonnant. Nous avons demandé à Alexandre Salcède d’écrire un livret en suivant les idées directrices que j’avais développées avec Pedro Garcia-Velasquez. Rodrigo Ferreira porte la majorité du texte mais il sera complètement en interaction avec les danseurs et donc intégré dans la chorégraphie. Ensuite nous avons décidé de surtitrer le chant, comme ça se fait à l’opéra.

DCH: Qui dit opéra, dit narration, même dans le domaine de l’opéra contemporain. Quel est le sujet d’Initio ?
Tatiana Julien :
Nous sommes partis d’idées parfaitement abstraites, du lien perdu entre l’humain et le vide de l’univers, pour essayer de retrouver un rapport à la poésie et des choses qui nous dépassent. Pedro est Colombien et son héritage amérindien lui est très cher. Il croit en l’existence de forces supérieures et que l’art est aujourd’hui peut-être le seul endroit qui puisse nous reconnecter avec des sphères supérieures. Ces idées sont le point de départ de la narration imaginée par Alexandre Salcède.

DCH : Et quel est le point d’arrivée ?
Tatiana Julien : Il s’agit d’une histoire simple qui est déployée dans un langage musical et chorégraphique plutôt que théâtral, à partir de considérations autour de la spiritualité perdue dans notre monde. Initio raconte l’histoire d’individus perdus, menés par un ermite joué par le chanteur qui essaye de reconstruire une communauté. Ils partent en quête d’absolu et d’une possibilité d’harmonie, dans un lieu sacré, pour en finir avec la violence. Un lieu où il y a de l’eau pour se purifier et qui protège de l’orage, lequel est surtout l’orage intérieur de la violence.

DCH : Dans vos chorégraphies vous intégrez souvent du texte. Pensez-vous qu’il y a des limites aux capacités expressives de la danse ?
Tatiana Julien : Pas du tout, et je ne rejette en rien la danse pure. Ceci dit, la danse ne peut pas tout exprimer. Mais ce n’est en rien la raison pour laquelle j’amène du texte. Il ne faut pas se poser la question en termes de limites. Je veux enquêter sur la possibilité de mettre en friction un langage de la vie ordinaire, à savoir le langage, avec la poésie de la musique et la danse qui appartiennent à l’indicible. C’est à l’endroit de cette friction qu’on touche à la relation entre l’art et le monde. Et l’opéra est l’art qui rassemble tous les arts. J’aime l’ensemble Le Balcon pour sa capacité à penser un spectacle musical plutôt qu’un concert.

DCH : L’ensemble Le Balcon est connu pour avoir développé une approche électronique appelée méthode binaurale, où l’écoute nécessite un casque. Le public d’Initio sera-t-il équipé de casques ?
Tatiana Julien : Non. Le Balcon va travailler à l’Ircam autour de questions de la spatialisation du son. A Chalon-sur-Saône la musique sera enregistrée. En septembre 2017, à Chaillot-Théâtre National de la Danse, nous créerons la version où les six musiciens, le chef d’orchestre et la soprano Lea Trommenschlager seront sur le plateau avec les danseurs et Rodrigo Ferreira.

Propos recueillis par Thomas Hahn

Les 30 et 31 janvier, Paris, Théâtre de la Cité Internationale

Tatiana Julien à Faits d'Hiver

Conception : Tatiana Julien & Pedro Garcia-Velasquez
Chorégraphie : Tatiana Julien
Composition musicale : Pedro Garcia-Velasquez Livret: Alexandre Salcède
Enregistrement musical : Le Balcon Création lumière : Sébastien Lefèbvre
Création costume : Catherine Garnier
Interprètes : Rodrigo Ferreira (contre-ténor) et Brigitte Asselineau, Benjamin Forgues, Christine Gérard, Yoann Hourcade, Tatiana Julien (danseurs)

Création (forme avec musique enregistrée) : 17 novembre 2016 au Festival Instances de l'Espace des Arts, Scène nationale Chalon-sur-Saône

Dates :

2 février 2017 : L’Espal, Le Mans

Création [LIVE] : 20 au 24 septembre 2017 : Chaillot - Théâtre National de la Danse
 

 

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