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Le film « Elektro Mathematrix » de Blanca Li sort en salles
Ecrite à partir du spectacle Elektro Kif et dirigée par Blanca Li en personne, la version cinématographique a pour décor un lycée technique.
Qu’est-ce qu’une école de danse ? C’est un lieu où on apprend en dansant. Dans le film Elektro Mathematrix, dirigé par Blanca Li, c’est un lycée technique qui permet à une technique de danse, adulée par une formation de garçons, de booster les notes électro. Dans cette école de danse improvisée, les maths sont mis en échec et il n’y a plus aucun « peut mieux danser » qui tienne.
Les protagonistes sont tous ces jeunes qu’on avait vus dans la seconde version d’Elektro Kif, et ils sont aussi époustouflants devant la caméra qu’ils l’étaient sur scène. Ce qui plus est, le tournage dans les salles de classe, les couloirs, les patios, la salle des machines etc. du lycée technique Raspail (Paris XIVe) s’est pratiquement fait dans les conditions d’un live.
Le tournage était presque un reportage, les lieux n’étant mis à disposition que pendant les vacances de Pâques. Il fallait aller vite, presque aussi vite que les voltes gestuelles des danseurs lycéens/lycéens dansants. En matière de rapidité et d’expressivité, l’électro n’a rien à envier au krump... Mais l’électro est joyeuse et ultra-fluide. Une affaire d’harmonie, jusque dans les défis.
Au-delà du clubbing
Par ailleurs, quand Blanca introduit une scène de dispute, un vrai combat de coqs, les deux duellistes changent de registre et passent à une danse lyrique, poétique, intégrant presque des attitudes de ballet, où le corps entier exprime des émotions complexes. On découvre les deux en danseurs tout court, au-delà du clubbing, incarnant le style de Blanca dans une authenticité émouvante.
Dans les seconds rôles, professeurs et personnel jouent ce qu’ils sont dans la vie, et leur véracité contraste avec l’état survolté permanent des jeunes. Mais ceux-là aussi restent authentiques, chose difficile dès qu’on passe devant la caméra. Mais Cerizz, Bats, Big Jay, Kazix et les autres (presque tous les danseurs ont des surnoms) déjouent tous les pièges. Ce qui est moins sûr pour le film en tant que tel.
Boîte noire vs murs d’école
Le spectacle Elektro Kif, propulsé par la présence physique de tous et l’énergie du live, pouvait se contenter de n’avoir pour trame que le passage d’une situation à l’autre, au cours d’une journée-type, dans un lycée imaginaire. La boîte noire sait faire ce genre de miracles.
Par contre, entre les murs d’un vrai lycée, le fantasme de la fête permanente sonne faux. Porté à l’écran, le « se raconter par la danse » qui fonctionne si bien sur scène (mais aussi dans le film si on prend les séquences une par une) demande une dimension supplémentaire, une intrigue à rebondissements, des affrontements ou des rencontres, une rivalité de fond, entre deux groupes ou simplement amoureuse... Mais c’était difficile, vu que le spectacle s’est fait quasiment sans filles.
Le burlesque, sa quadrature
Les recettes classiques, qui ont fait leurs preuves, auraient permis à ces danseurs-acteurs de dire bien plus de choses d’eux-mêmes, d’autant plus que Blanca Li se réfère à l’histoire du film burlesque, qui part toujours d’une histoire ponctuée de coups de théâtre bien assénés.
Même pour un film entièrement chorégraphié, peut-on se contenter d’une simple transposition, et se passer d’un scénario moins prévisible, et donc vraiment moteur ? Chaplin, Keaton, Tati et Astaire, que Blanca Li cite en références, ne songeaient pas à passer 85 min sans s’appuyer sur une mécanique à rebondissements, entretenant le suspense.
Sur scène, les choses sont différentes. La boîte noire suspend le réel et la danse n’a pas besoin de se justifier. Un film tourné dans un lycée, c’est autre chose. Par la présence du lieu où se croise toute la société, les absents gagnent en présence. Les rares apparitions féminines sont marginales, voire fantomatiques.
Que peut la danse électro ?
Ayant supplanté la danse Tecktonik (une marque déposée), elle affirme l’énergie et le potentiel de la France, une réincarnation des Zazous, des cancaneuses ou autres guinguettes. La passion de Blanca vise juste : Il faut faire connaître la danse électro et l’énergie souriante de ceux qui la pratiquent.
C’est aujourd’hui la danse électro qui a le potentiel de faire revivre l’idéal d’une société sans barrières, esquissé en 1998 suite à la victoire en finale de la coupe du monde par la « génération Zizou ». Dans Elektro Mathematrix, on en perçoit tout le potentiel.
Par leur plaisir partagé et fraternel, ces danseurs électrisés donnent un visage contemporain au concept de « black blanc beur », précisément au moment où, malheureusement, la compagnie de danse du même nom s’est éteinte et que « Les Bleus » ne mettent plus de « beur » dans leurs choux gras.
Ce sont par ailleurs les Black Blanc Beur qui ont inventé le spectacle de football dansé avec Contrepied, créé en 1990. Dans Elektro Kif et Elektro Mathematrix, Blanca Li met en scène le basketball au lieu du football, ce qui est logique, puisque la danse électro s’invente à partir des mains et des bras.
Blanca Li a voulu conserver « une trace » de l’expérience Elektro Kif, spectacle pionnier, première et jusqu’ici unique création chorégraphique du genre. Mais, par erreur de calcul, une ambition et des moyens de production trop limités font qu’en cherchant à retrouver la pertinence du spectacle, le film se perd dans les couloirs du lycée.
Thomas Hahn
« Elektro Mathematrix »
Un film de Blanca Li
D’après ELEKTRO KIF - spectacle de Blanca Li
Danseurs principaux:
Khaled Abdulahi "Cerizz"
Arnaud Bacharach "Nino"
Mamadou Bathily "Bats"
Roger Bepet "Big Jay"
Taylor Chateau
Thomas Gagnu
Romain Guillermic "Skips"
Slate Hemedi "Crazy"
Théophile Landji "Kazix"
Adrien Larrazet "Vexus"
Lenny Louves "Starsky"
Ismaila N Diaye "Isma"
Alou Sidibe "Kyrra"
Adrien Sissoko "Fiasco"
Florian Vandenawaele "Phil"
85 minutes
En salles à partir du 24 août 2016
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