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La 36e édition du Festival Flamenco de Nîmes

Le grand écart n’est pas inscrit dans le répertoire des styles en flamenco, mais Amélie Casasole entend bien orienter le Festival Flamenco de Nîmes vers des formes plus diverses et expérimentales, tout en restant en contact avec la tradition.

Danser Canal Historique : Dans quelle histoire et culture s’inscrit le festival de flamenco organisé par le Théâtre de Nîmes ?
Amélie Casasole :
Je suis arrivée à la direction du Théâtre de Nîmes en janvier 2023. L’édition 2026 est ma troisième édition du festival de flamenco, et la première que j’organise sans le conseiller artistique Chema Blanco qui m’a soutenu pour les éditions 2024 et 2025, après avoir collaboré avec mon prédécesseur, François Noël, à partir de 2019. Nous arrivons aujourd’hui à la 36e édition du festival, ce qui veut dire qu'il y a à Nîmes une culture du flamenco très ancrée. Le festival a été créé par quelqu'un issu de l'immigration espagnole, laquelle est très présente à Nîmes, surtout par une population qui venait du sud de l'Espagne, et qui est arrivée avec toute cette culture andalouse. Il s’agit donc d’un héritage culturel qui dépasse la simple proximité géographique avec l'Espagne.


DCH : L’édition 2026 se lance avec Rafaela Carrasco, l’une des figures majeures, une grande chorégraphe.  
Amélie Casasole :
Rafaela Carrasco fait partie de ces chorégraphes qui requestionnent et réinventent le ballet flamenco. C’est quelqu'un qui compte beaucoup, et c'est pourquoi nous avons voulu faire un focus sur elle. Elle présentera deux formes dont un travail en cours sous le titre de Humo, nouvelle création en cours que nous présenterons en 2027. Ce work in progress fera l’ouverture du festival. Le lendemain, Rafaela Carrasco nous présentera Nocturna- Arquitectura del insomnio, sa dernière création, une pièce pour huit danseuses dont Rafaela Carrasco elle-même ainsi qu'une chanteuse et deux pianistes.


DCH : Ce début de festival est donc très féminin, car on enchaine avec une création commune de Paula Comitre, Florencia Oz et Carmen Angulo.
Amélie Casasole :
C’est l’occasion de suivre une évolution, une vraie filiation, puisque Carrasco a beaucoup inspiré des danseurs de la nouvelle génération comme Paola Comitre ou David Correa, avec qui elle avait collaboré quand elle était directrice du ballet flamenco d'Andalousie. Elle a repéré ces jeunes danseurs et les a guidés dans leurs premiers pas de chorégraphes. Aussi il y a comme une histoire du flamenco qui s'écrit quand Paola Comitre présente Parcas, un trio avec  Florencia Oz et Carmen Angulo, accompagnées de Rocío Luna, une chanteuse absolument formidable. On a là trois femmes, trois générations et trois façons de danser, avec une vraie dramaturgie, au-delà de la prouesse physique.


DCH : Pour continuer sur cette lancée, il y a La Chachi, autrement dit Maria del Mar Suárez en danse, toujours en compagnie de la chanteuse Lola Dolores. Elles étaient à Paris au printemps, avec la Biennale de danse du Val-de-Marne, avec un duo très pointu, Taranto aleatorio. Quelle est la nouvelle création qu’elles amènent à Nîmes ?
Amélie Casasole :
La Chachi, (notre critique) c'est encore une autre culture parce qu'elle, elle ne vient pas forcément du flamenco. Elle n’est pas une danseuse pure de flamenco qui sera à l'événement de la modernité. C'est même un peu le contraire car elle est d'abord une artiste protéiforme qui s’intéresse aussi aux formes plastiques. Et puis, à un moment, elle a rencontré le flamenco qui est devenu son vocabulaire d'expression, mais sur le mode de la désacralisation. Elle fait aujourd’hui des pièces très théâtralisées et on lui propose deux passages au festival, une performance au Carré d'Art, le Musée d'art contemporain de Nîmes, et puis avec sa pièce Los Inescalables Alpes, buscando a Currito  qu’elle présentera à l’Odéon de Nîmes où on trouve un petit côté punk et hip-hop. C'est vraiment rare, de voir ce qu'elle fait du flamenco. Elle donne par ailleurs aussi un masterclass. La Chachi représente la direction que je voulais donner au festival depuis que je suis arrivée, pour élargir les champs d'expression.


DCH : Anna Pérez & José Sanchez présentent Stans, pièce qui a beaucoup contribué à la percée de cette jeune chorégraphe et danseuse.
Amélie Casasole :
Déjà une très belle danseuse, Anna a beaucoup de charisme sur scène. Elle est Française, mais d'origine espagnole et elle danse avec les grandes compagnies espagnoles. Et dans son écriture, elle a un vrai regard et elle a vraiment quelque chose à nous dire. Donc, on a envie de la suivre, on va la co-produire et on l'accompagne.

DCH : La tradition flamenca reste pourtant présente dans la programmation, cette année avec María Moreno qui présente Magnificat.
Amélie Casasole :
Nous avons besoin de présenter, dans le respect et l'histoire et de la tradition, toute l'école de Séville, qui est vraiment le berceau et qui a plein d’aficionados à Nîmes.
Avec María Moreno, il y a vraiment ce côté du respect et de la maîtrise du classicisme du flamenco. Et c'est une danseuse très physique, quelqu'un de très terrien, dans un flamenco très engagé, très physique. Mais ensuite elle vient interroger et retraverser cet art avec des correspondances, avec la danse contemporaine, et avec une façon de nous raconter une histoire qui est beaucoup plus actuelle. Magnificat est un spectacle qu’elle a construit comme une fête. On a l'impression d'être dans quelque chose de très classique avec la robe à froufrou, la guitare sèche etc. Et puis, petit à petit, elle se dénude, elle change sans qu'on s'en rende compte et on finit en cuir et avec des guitares électriques. Tout ça est mené très finement.


DCH : Trouve-t-on la même façon de vénérer et déjouer la tradition chez Raphael Estévez Valeriano Paños ?
Amélie Casasole :
Estévez et Paños forment un couple de grands danseurs, premier prix de la danse d'Espagne, qui ont aussi dirigé le Ballet flamenco d'Andalousie. Avec, aussi, une culture de la danse classique espagnole qui est encore autre chose que le flamenco. Ils présentent La Confluencia, une pièce dansée uniquement par des hommes, ce qui est assez rare. Il y a là beaucoup de sensualité, de finesse et de douceur entre les cinq danseurs, dans des moments que j'ai trouvés extrêmement modernes pour un ballet flamenco. Et puis, ils s'autorisent des pas de côté, par une gestuelle qui vient en rupture et qui raconte plein de choses. C'est pour ça que cette pièce m'intéressait en clôture du festival, pour montrer l'évolution, ce qu'on peut faire et comment ça peut nous parler.


DCH : Le festival propose aussi chaque année des concerts, pour un plaisir musical pur et concentré, comme cette année avec le Tomatito 5tet ou Joselito Acedo & José Acedo.
Amélie Casasole :
On accueille aussi tous les ans des concerts en lien avec la scène de musique actuelle Paloma, où on va plutôt être sur des musiciens qui sont un peu dans un travail de fusion, soit avec le jazz, soit avec la pop ou l'électro. Et là, on accueille Ángeles Toledano, une superbe chanteuse qui est à la fois issue du flamenco, qui a été beaucoup accompagnatrice notamment de la dernière pièce de Patricia Guerrero, Alter Ego. Et puis là, elle va explorer des formes un peu plus pop, un peu plus électro. J’ai vu ce programme à Jerez et ça fonctionne très bien. Toledano fait partie d’une jeune génération, côté musique cette fois, qui réinterroge le flamenco et essaie de le pousser un peu plus loin.


DCH : Nous ne pouvons pas ici évoquer la totalité des spectacles présentés en salle. Mais y a-t-il d'autres choses à vivre pour le public pendant le festival ?
Amélie Casasole : 
On va développer aussi des spectacles en extérieur, tels des concerts au balcon. Et nous aurons la Compagnie Dynamogène avec son spectacle déambulatoire La CarmenCycletta fait sa Romería sur un grand boulevard de Nîmes. Nous organisons des spectacles dans les centres sociaux. On va faire beaucoup de spectacles aussi dans les musées de la ville. C’est un volet que je voulais développer, pour sortir un petit peu le festival de ses murs pour que les habitants puissent profiter de ce moment festif plus facilement.
Nous avons aussi un partenariat avec une bodéga qui est juste à côté du théâtre et qui ouvre d'habitude uniquement pendant les férias de Nîmes. Maintenant ils ouvrent la bodéga pour le festival et il y a des afters dans une cave voutée en ambiance festive. Pendant cette semaine de festival, on a l'impression d'être en Espagne à Nîmes. Tout le monde parle en espagnol et il arrive, quand on va dans des restaurants, que les gens s'adressent à vous en espagnol. C'est vraiment une façon de voyager que la culture permet de vivre.

Propos recueillis par Thomas Hahn

36e Festival Flamenco de Nîmes, du 13 au 18 janvier 2026

Catégories: 
Avant-première
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Tomatito 5tet ou Joselito Acedo
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