35 ans, pour un festival de danse, c’est déjà une performance ! Le Temps d’Aimer la danse poursuit donc sa route au long des créations internationales et des grands ballets… tout en empruntant des chemins de traverse ou de contrebande au Pays Basque, en Béarn et en Gipuzkoa.
Du 5 au 15 septembre 2025, Biarritz accueille la 35e édition du festival Le Temps d’Aimer la Danse. Sous la direction artistique de Thierry Malandain, cette édition marque un tournant symbolique en réunissant pour la première fois les quatre académiciens de la section chorégraphique des Beaux-Arts : Angelin Preljocaj, Blanca Li, Carolyn Carlson et Malandain lui-même. Ce dernier ouvre le festival avec La Chambre d’amour, recréation de sa première œuvre biarrote, inspirée par les légendes du Pays Basque et portée par une partition originale de Peio Çabalette. Ce geste inaugural, à la fois intime et fondateur, donne le ton d’un festival qui conjugue mémoire, territoire et création.
Parmi les temps forts, le programme « Ça colle au basque », co-construit avec l’Institut Etxepare, met en lumière la vitalité chorégraphique du territoire dans une dynamique transfrontalière entre Iparralde et Hegoalde. Le Collectif HEDO présente Douslèt, une création née d’un dialogue entre artistes caribéens et basques, qui interroge la notion de départ contraint à travers une gestuelle enracinée et fulgurante. Le Collectif Rabbit Research propose Retour à Itak, duo chorégraphique inspiré du mythe d’Ulysse et Pénélope, mêlant danse, cirque et musique live, porté par un chœur d’enfants et le trompettiste new-yorkais Omar Little. Kukai Dantza revisite l’héritage basque avec Txalaparta, pièce percussive et collective autour de l’instrument traditionnel. Bilaka Kolektiboa dévoile Bezperan, rituel païen mêlant danse, musique et théâtre, dirigé par Daniel San Pedro. Dantzaz, compagnie tremplin pour jeunes interprètes, présente Hona et Gesala, deux programmes inspirés par les paysages et les cultures du Pays Basque. Enfin, Thierry Malandain signe Elgarrekin, une œuvre partagée avec les danseurs souletins de Berritza, présentée dans les trinquets du territoire, célébrant le plaisir d’être ensemble.
À cette effervescence territoriale répond une programmation de grands ballets européens, qui constitue l’autre pilier du festival. Le CCN Ballet Preljocaj présente Requiem(s), méditation chorégraphique sur le deuil, portée par les musiques de Mozart, Bach, Ligeti et des créations sonores contemporaines [lire notre critique]. Le Ballet de l’Opéra Grand Avignon interprète America de Martin Harriague, fresque satirique sur le rêve américain, traversée par une iconographie bien choisie, et la discographie de Nina Simone, Barry White ou Killswitch Engage. Le London City Ballet, de retour après trente ans d’absence, propose Momentum, programme néoclassique réunissant les chorégraphes George Balanchine, Kenneth MacMillan, Liam Scarlett et Alexei Ratmansky dans une célébration virtuose de la danse académique. Le CCN Ballet de Lorraine, dirigé par Maud Le Pladec, présente un programme survitaminé avec Static Shot signé de la nouvelle directrice, et A Folia de Marco da Silva Ferreira, deux pièces traversées par l’énergie du groupe et les danses sociales.
Les créations chorégraphiques occupent une place centrale dans cette édition. Blanca Li revisite le mythe antique avec Didon et Énée, dans une mise en scène spectaculaire sublimée par l’interprétation musicale des Arts Florissants dirigés par William Christie. Carolyn Carlson livre The Tree, ultime création pour sa compagnie, poème dansé en hommage à la Terre et au vivant, inspiré par Gaston Bachelard et accompagné des toiles de Gao Xingjian [lire notre critique]
Hors Normes, dernière œuvre du duo Brumachon-Lamarche, réunit quatre interprètes dans une danse volcanique et généreuse, traversée par quarante ans de création. Viscum, de Noé Chapsal, est un duo sous haute tension, mêlant break et danse contemporaine dans une rencontre magnétique et haletante. Sorcières, solo d’Auréline Guillot, ancienne danseuse du Malandain Ballet, explore les multiples visages de la femme rebelle dans une traversée sensorielle puissante. Superstrat, d’Anne Nguyen, convoque les racines afro-américaines du hip-hop dans un solo familial et jubilatoire. Le Doux Supplice propose En attendant le grand soir, spectacle participatif mêlant cirque et danse, qui invite le public à entrer dans la fête. Enfin, des compagnies comme Beaux-Champs de Bruno Benne, Projet ra.re ou Gilles Baron viennent compléter cette mosaïque chorégraphique avec des propositions sensibles, engagées et accessibles.
Avec 75 événements dont 23 gratuits, le festival investit théâtres, places, plages et frontons, offrant stages, spectacles de rue, répétitions publiques, projections et rencontres professionnelles. Sans oublier la célèbre Gigabarre, sur la plage du Casino !
Pensé pour toutes et tous, Le Temps d’Aimer la Danse transforme Biarritz et tout le Pays Basque en une scène vivante, ouverte, festive et profondément habitée par le mouvement. Le festival s’étend sur 17 villes du Pays Basque Nord et Sud, jusqu’au Béarn, affirmant son ancrage territorial et sa volonté de faire circuler la danse.
Agnès Izrine
35e Festival Le Temps d’aimer la danse, Biarritz du 5 au 15 septembre 2025 https://www.letempsdaimer.com/programmation
Photo de preview : Didon et Enée de Blanca Li © Dan Aucante