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Mascarell / Sciarroni à l’Opéra de Lyon

Avec deux créations audacieuses, la Biennale de la Danse ouvrait sa 17e édition à l’Opéra de Lyon. L’une est signée Marina Mascarell avec Le diable bat sa femme et marie sa fille, l’autre Alessandro Sciarroni pour Turning_motion sickness version : apprendre à tourner…

Le diable bat sa femme et marie sa fille. :Un proverbe qui peut paraître anodin puisqu’il signifie qu’il pleut et que le soleil brille, mais, à le prendre au pied de la lettre, il en dit long sur la place de la gent féminine dans l’inconscient collectif. C’est bien la voie qu’a choisie Marina Mascarell pour sa pièce, elle qui affirme que « la principale source d’inspiration de toute (s)on œuvre a toujours été la question sociale, les injustices et les comportements ».

Pour réaliser cette pièce, elle a interviewé tous les danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon en leur demandant de raconter les moments où leur genre avait été discriminé. Chacun.e avait une histoire à raconter. On retrouve donc sur le plateau, tous ces récits, projetés sur des murs tapissés de ballons gonflés à bloc, qui font apparaître une bouche, des yeux, des fragments de corps, belle idée pour souligner que les visions mysogines s’appuient presque toujours sur des représentations morcellées du corps de la femme.

Ces petites histoires, sont, comme pour le titre d’apparence insignifiante. L’une doit bien se tenir, l’autre ne pas jouer avec les garçons, etc. ce qui rend la discrimination d’autant plus arbitraire. La chorégraphie est tout en volutes, en mouvements fluides, en enroulés et en portés fondants. L’ensemble, rappelle un peu, certaines des dernières pièces de Lloyd Newson sans atteindre à la même force acérée.

Tours et détours

Alessandro Sciarroni, est un artiste aux talents multiples qui travaille dans le champ de la performance. On se souvient de Folk-s où la danse folklorique poussée à l’extrême prenait des airs d’On achève bien les chevaux, et d’Untitled créé lors de la précédente Biennale de la danse de Lyon, où cette fois c’étaient les jongleurs qui frôlaient le péril.
Avec Turning_motion sickness version : apprendre à tourner il est, bien entendu, question de tours. De ceux qui propulsent les danseurs au rang de corps célestes, comme de tour de force.

En effet, les danseurs commencent par tourner d’abord autour de la scène, puis d’une façon proche des derviches pendant de longues, très longues minutes. Sur le coup, on se dit qu’on a déjà vu ça, qu’il s’agisse de Radial Courses de Lucinda Childs, Tout autour de Rachid Ouramdane créé au même endroit, ou surtout du Boléro créé par Damien Jalet et Sidi Larbi Cherkaoui qui utilisait la même veine rotative et risquée, les mêmes techniques méditatives et physiques de la giration. N’empêche. Plus ça va, plus on se laisse prendre au jeu.

Et quand à la fin, les danseurs (pour reprendre leur équilibre et arrêter de tourner à vide ?) se lancent dans toutes les figures du tour de la danse classique, on est littéralement ébahis ! Ils enchaînent voltes de derviches et fouettés impeccables, tours à l’italienne, déboulés, pirouettes, passant d’une technique (sans bouger la tête) à une autre (celle où la tête revient face à chaque tour) sans coup férir. C’est d’une beauté hallucinante.
Quand on sait que le chorégraphe avait en tête les migrations humaines ou aviaires, on se dit qu’il est vraiment brillant. Car si le début où le groupe se déplace sur de longues ellipses font penser aux formations d’oiseaux migrateurs, les circonvolutions sur place qui empêchent le déplacement d’un point à un autre, signalent les exils sans fin qui mènent aux… révolutions !

L'occasion de constater une fois de plus, que Yorgos Loukos, directeur du Ballet de l'Opéra de Lyon, sait choisir ses chorégraphes... Et que la troupe, est excellente !

Agnès Izrine

Opéra de Lyon du 14 au 18 septembre 2016. Dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon

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