Error message

The file could not be created.

A Uzès, La Maison danse

Danser. Ensemble. Telle est la devise de l’édition 2025 du festival du Duché uzétien. Avec bals, vignerons et têtes-à-têtes.

Quand on badine avec l’amour, on bichonne sa tendre carcasse, on danse ensemble de manière vivace et tout se fera in comune, dans un-monde-en-train-de-se-faire qui produira, comment y échapper, ses ravages/collages et autres surgissements, vrais ou d’après une histoire vraie. On délire ? This is la mort, carrément ? Pas tant que ça ! Il suffit de jouer, ou danser, avec les titres des propositions de la nouvelle édition du festival La Maison Danse. Même pas besoin d’abuser du Cabaret des vignerons, soirée spéciale, cette fois orchestrée par la chorégraphe Marion Carriau. Pour voir la vie en rosé ?

Ce qui fera tourner les têtes à Uzès, c’est aussi le Balatata  de Magda Kachouche. Kesako ? Quel bal ? Quelle tata ? A voir sur place, à partir de l’atelier de préparation, proposé en amont du festival. Et tout sera clair. Les conditions pour y participer ? « Aucun prérequis, si ce n’est l’envie de partager et de danser ! » Voilà qui pourrait bien être le manifeste uzétien de l’année. « Notre envie : que nous soyons nombreuses et nombreux à ambiancer la piste lors de ce bal-fiesta où nous célébrerons les danses, les corps, les cultures. Vous serez initiés aux étapes du bal, vous en connaîtrez le voyage et les escales, afin de faire pleinement partie de l’équipe et briller comme des étoiles parmi les étoiles. » Le rosé du duché en plus…

Ceux qui surgissent

Quant aux Surgissements, ils sont confiés aux danseurs de Yann Lheureux. Le chorégraphe montpelliérain est associé à Arts Fabrik, une « Fabrique artistique et culturelle » implantée sur le territoire du Grand Pic Saint-Loup dans l’Hérault. Amènera-t-il ses propres vins ? Avant tout, il vient avec ses danseurs qui proposent des tête-à-tête chorégraphiques. Un spectateur – un danseur. L’idée n’est pas tout à fait nouvelle puisque le face à face dansé avait fait sensation avec Felix Rückert, le Berlinois qui avait amené cette idée en France en 1995. Mais en trente ans, combien étaient-ils pour lui emboiter le pas ? Et Lheureux ajoute son grain puisque cette fois, c’est le « spectateur » qui va choisir le lieu et l’heure du rendez-vous ! C’est donc un peu comme commander un Uber ou une livraison par drone, comme une forme de speed dating où l’on voit surgir la danseuse ou le danseur. Rassurez-vous, personne ne prévoit une quelconque arrivée du concept de livraison instantanée et de dark store dans la danse…

Arrivera le moment où on croise Zoé Lakhnati qui apparaît en armure, telle une sorte de chevalière qui semble surgir tout droit du Moyen-Âge. Ce qui, évidemment, cadre parfaitement avec Uzès. On se donne donc rendez-vous sur la palce aux Herbes, et se laisse entraîner par Lakhnati qui proclame : This is la mort. Un solo itinérant, comme pour danser une vanité qui serait née en même temps que la ville, voire dans le fameux jardin médiéval uzétien. Dans son solo, la chorégraphe formée en danse classique comme à Bruxelles chez P.A.R.T.S., fait apparaitre à travers elle moult personnages de fiction issus de l’histoire de l’art ou la culture pop, au moment de leur mort !

Là-dessus arrive Sylvain Riéjou qui fait plutôt surgir des histoires de cœurs et de corps portés vers la vie. Et il avoue : Je badine avec l’amour, explorant chorégraphiquement la rencontre amoureuse sous toutes ses ironiques coutures, alors qu’Arthur Perole présente Tendre carcasse  [lire notre critique ] autour du désir d’amour et d’avenir de la jeunesse d’aujourd’hui.

Ce qui résonne avec les Ravages/Collages  de Solal Mariotte, shooting star venu du hip hop et à sa façon une illustration de la fusion entre les univers chorégraphiques. Si vous avez entendu parler d'un B-Boy qui entra à P.A.R.T.S pour finir par épater tout le monde dans un spectacle (ce fut Exit Above) d'Anne Teresa De Keersmaeker, c'est lui ! En 2025, il crée Brel, en duo, avec elle ! Entretemps, Mariotte s’amuse dans son solo, où il dynamite certaines attitudes grandiloquentes de la gent masculine, et cela face à un batteur.

Danser ensemble

Le festival est donc, sauf rares exceptions, placé sous l’idée de Danser ensemble. Ce qui est justement le titre du spectacle d’Alice Davazoglou, impliquée dans la danse depuis vingt ans malgré sa trisomie 21 [lire notre critique]. Pourquoi devrait-elle accepter l’idée d’empêchement artistique par la trisomie ? Au contraire, Alice a su réunir des chorégraphes phare qui deviennent les protagonistes de son projet. Pour, justement, Danser ensemble, devise placée sous les intentions les plus inclusives. Et revoilà Marion Carriau qui n’a pas seulement rencontré les vignerons, mais avant tout les Uzétiennes et Uzétiens dans les EHPADs, à l’hôpital ou encore à l’école Montessori. Et elle présente, à partir de ces instants de danser-ensemble, une installation sonore et photographique sous le titre Les légendaires d’Uzès.

 

Et puis, débarque une autre fête. Laquelle s’appelle : 1 km de danse, concept lancé à Pantin, au Centre national de la danse, où les rives du canal avancent en ligne droite et où il est facile de mesurer 1 km. Par contre, dans les sinueuses ruelles d’Uzès on ne sait jamais si on a dansé sur cinq cent mètres ou un km et demi. Et rien n’empêche d’y aller avec sa bouteille de rosé, car la fête dansante s’y termine par un bal collectif, pour partager le plaisir de danser ensemble.

En italien, ensemble se dit comme chez Ambra Senatore : In comune [lire notre critique]. La directrice sortante du CCN de Nantes (son mandat se termine à la fin de l’année après une décennie entière) arrive avec cette pièce majeure qui prouve qu’elle a suivi une trajectoire artistique de bout en bout, depuis ses premières créations, de Turin à Nantes. Toujours le même humour, toujours la même acuité du regard sur les relations avec l’autre qui fait d’elle quasiment une successeure de Pina Bausch. Et on comprendra immédiatement que la Turinoise aura encore beaucoup d’observations sur nous-mêmes à partager avec son public. Pour qui veut, elle propose même à Uzès un échauffement collectif pour mieux démarrer ce fameux 1 km de danse

>

Christian Rizzo aussi est un directeur sortant. Lui aussi est resté dix ans. A Montpellier. Il y avait appelé le CCN : ICI, Institut Chorégraphique International. Aujourd’hui son ici est à nouveau partout et il reprend D’après une histoire vraie, créé avant sa nomination [lire notre critique], pièce pour huit danseurs et deux batteurs qui sera présentée à Uzès en extérieur et en lumière du jour. La définition est ici celle d’une pièce où « les gestes des danseurs forment un lien collectif où chacun soutient l’autre ».

 

On pourrait presque dire la même chose à propos du Cheb  [lire notre critique] de Filipe Lourenço (également interprète chez Rizzo) avec ses deux danseurs et son rapport contemporain aux musiques traditionnelles, où le compositeur François Caffenne et le musicien électronique et percussionniste Nuri, spécialiste des musiques traditionnelles nord-africaines, sont sur le plateau et créent là aussi une version in situ, spécialement pour La Maison Danse, à Uzès. Presque une histoire d’amour, là aussi, entre le monde actuel et les danses traditionnelles.

 

Danser à deux, c’est déjà danser ensemble, également chez Alban Richard. Vivace est un duo dansé sur pop, baroque, Madison et électro à haute énergie. Mais le but est, là aussi, de donner envie au public de danser à son tour. Le quatrième duo va ensuite changer notre regard sur les danseurs de l’Opéra de Paris ! Simon Le Borgne a quitté la vénérable institution pour rejoindre Boris Charmatz au Tanztheater Wuppertal. Il crée aujourd’hui Un-Monde-en-train-de-se-faire avec Antonin Monié, danseur au Palais Garnier depuis 2009. Leur duo est une  « déambulation chorégraphique », où les deux investissent des espaces naturels pendant plusieurs jours avant de créer une performance qui résonne avec l’histoire et le rythme du lieu. Lequel ? Ce sera « au cœur de la nature ». La nature ! Pour s’y rendre, à Uzès, même pas besoin de faire un kilomètre. Tout est à portée de main.

Thomas Hahn

Uzès, festival La Maison danse, du 4 au 8 juin 2025

Image de preview : "Tendre Carcasse" - Arthur Perole © Nina Flore Hernandez

Catégories: 

Add new comment