Error message

The file could not be created.

« Ulysse » de Jean-Claude Gallotta par le Groupe Grenade

Comme un bon vieux blockbuster de la balletomanie académique genre Le Lac des cygnes, de reprise en recréation, Ulysse de Jean-Claude Gallotta a repris sa pérégrination… L'increvable héros improbable, lancé sur ses flots blancs en 1981 a repris du service avec la « petite troupe » qu'anime l'infatigable Josette Baïz.

Pour autant, fallait-il aller voir ce nouvel avatar, et a fortiori, écrire sur icelui. La multiplicité des reprises, productions, versions, variations, etc. de ce brave Ulysse a déjà été constaté, analysé, justifié en ces lieux mêmes [lire notre critique Ulysse Grand Large] et la profonde correspondance entre l'univers chorégraphique de Jean-Claude Gallotta a déjà été mise en évidence (cf Comment Grenade a dynamisé Ulysse, et réciproquement in Ulysse, Coll. Chef d'œuvre de la danse, Scala, 2024, p88. Beaucoup des présentes informations concernant l'œuvre, sa vie et son créateur proviennent de cet ouvrage récent).

Pour mémoire, et juste pour le goût de l'érudition facile, Ulysse, création le 13 mars 1981 puis en 1984 pour le Groupe Emile Dubois, recréation en 1993 au Festival Châteauvallon pour le Groupe Emile Dubois, recréation à l’Opéra Bastille en 1995 sous le titre Les Variations d’Ulysse par le Ballet de l’Opéra de Paris, en 1999 Ulysse-Shizuoka, recréation au Japon par la compagnie SPAC Dance Shizuoka, première recréation en 2007 par la compagnie Grenade, tandis que la même année, sous le titre Cher Ulysse, recréation à la MC2 : Grenoble par le Groupe Emile Dubois, puis Ulysse – recréation 2021, au Volcan, Scène Nationale du Havre toujours par le Groupe Emile Dubois et enfin, en 2023, Ulysse Grand Large adaptation pour le festival Montpellier Danse pour la compagnie Groupe Emile Dubois [lire notre critique]… Et la suite au prochain épisode, a-t-on envie d'ajouter. Or la suite, la voilà avec dix-sept interprètes parmi les plus jeune du Groupe Grenade.

Ulysse Groupe Grenade en 2007

Grenade : sous la houlette de Josette Baïz, un ensemble de 80 jeunes danseurs environ, un groupe de danseurs avancés, une compagnie professionnelle, un processus pédagogique à l'œuvre depuis 1989… L'aventure Grenade ne se résume guère, mais tient d'un « dispositif » qui place au centre l'enfant qui danse et l'œuvre dansée. En 2004, pour son 3 Générations, Jean-Claude Gallotta avait fait appel à ces danseurs singuliers, et en 2007, il accepta de leur confier sa pièce et non pas une version jeune public ou pour enfant. Josette Baïz avait dansé la création, cela apporte quelques garanties ; et tout répondit répond exactement à la version initiale ; et la gestuelle de Gallotta, comme dans la présente version, y apparaît dans sa fraîcheur un peu acide.

Galerie photo : Laurent Philippe

Construction impeccable, enchaînement sans faille des vingt-quatre séquences, aplomb… Ulysse est un jeu, « Ulysse comprend tous les mystères de l'enfance » dit Nathalie Yokel (auteur principal du livre sus-cité) lors de la rencontre après la représentation et il faut entendre la polysémie du verbe « comprendre ». La fraîcheur des présents interprètes (8 à 13 ans) vient en écho à la naïveté des membres du Groupe Dubois et de toute cette génération d'alors.

Galerie photo : Laurent Philippe

Mais reste une question : qu'apporte à une œuvre, surtout du champ contemporain qui longtemps affecta de ne s'en préoccuper guère, un nouvel avatar ? Ici, cette version est un peu plus courte, un peu mal assurée parfois, plus rythmée et vive, beaucoup plus enlevée avec ces appels, « Ulysse »,  « Pénélope », « Cyclope », « Circé », jetés par les mômes aixois comme le « Change » des jeunes américains dansant Speed (1974) de la chorégraphe Jennifer Muller (1944-2023).

Magie de la circulation des influences chorégraphique jusqu'à des danseurs qui connaissent certainement mieux la mythologie grecque –Aix est une ville méditerranéenne– que la modern dance tendance Limon que Gallotta ne revendique pas et qui pourtant l'irrigue aussi. Mais, avec cette interprétation du Groupe Grenade, Ulysse paraît avoir trouvé sa plénitude et son propos.

Galerie photo : Laurent Philippe

Plus d'hésitation gallottesques à reconnaître la patte d'Homère (on constatera qu'il n'y a plus rien des évocations de Joyce derrière lesquelles se réfugiait le chorégraphe en ses première années), plus de fausses pudeurs aux petites historiettes aventureuses de marins qui s'embarquent et d'amourettes enfantines… Cet Ulysse, parce que ces interprètes n'y ont nul préjugé, assume enfin être cette saga joyeuse, précise et légère. Cela fuse, grouille, joue et emporte. Il faut maintenant que le Groupe Emile Dubois reparte de cette reprise pour un prochain avatar.
E la nave va !

Philippe Verrièle

Vu le 24 janvier 2025 au Carreau du Temple, Paris, dans le cadre du festival Faits d'hiver.

Catégories: 

Add new comment