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Tours d'Horizons 2025

Indispensable pour les amateurs et les curieux, alliant diversité des esthétiques, et formats différents, Tours d’Horizons, s'installe du 30 mai au 13 juin dans toute la ville de Tours et au-delà.

Bien que cela ne fasse pas partie de ses missions principales, Thomas le Brun a toujours eu à cœur, comme ses prédécesseurs Daniel Larrieu et Jean-Christophe Maillot, de consacrer une grande partie de son budget au festival Tours d’Horizons dont la qualité n’est plus à démontrer. Évidemment on peut se demander s’il est bien judicieux de laisser à la seule danse le fait de programmer des œuvres chorégraphiques. Dépourvu d'outil de diffusion, chichement doté au point de ne pas employer de danseurs permanents, le CCN doit-il organiser une manifestation, soit faire ce que les autres devraient faire, et distraire les moyens qui manquent à l’institution pour tenir sa fonction principale ?

Reste que Tours d'Horizon – et singulièrement cette édition 2025 – illustre pleinement à quoi peut servir un festival de CCN avec cette nuance, fondamentale au demeurant, que cela implique que la programmation émane du chorégraphe directeur et lui seul.

Car il n'y a rien d'ostentatoire au festival Tours d'Horizon 2025 : même format, même lieux partenaires accueillants (dont le sublime Prieuré Saint-Cosme où plane l'esprit de Ronsard ), pas de diffusion de compagnies débauchées de leur circuit habituel, de diffusion à prix d'or, pas d'esbroufe… Mais quelques figures que l'on se plaît à voir et même à retrouver car l'intérêt est là : Yuval Pick, Michèlel Murray, Kaori Ito, Roser Montlló Guberna & Brigitte Seth, tous ceux que rassemble cette programmation procèdent peu ou prou de l'univers personnel de Thomas Lebrun.

Le festival tient dès lors de la rencontre amicale avec quelques compagnons, sinon de route du moins d'esprit. Une façon de coaliser pour quelques heures, les forces d’une certaine vision de la danse, ce qui signifie que tout n'y a pas sa place. Le jeu est donc de suivre le programme en tentant de déceler ce qui motive les choix de Thomas Lebrun.

Par exemple Yuval Pick qui n'a, a priori, jamais partagé aucune création avec le directeur, sinon qu'ex-directeur lui-même il connaît toutes les grandeurs et misères de la fonction. Mais sa création, Into Silence, qui ajuste un duo féminin et un solo masculin sur les Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach (interprétées par Rosalyn Tureck, 1914-2003, pianiste américaine dont la vision de l'œuvre a fortement influencé Glenn Gould, c'est dire l'importance) avec une attention particulière à la relation à la matière musicale, porte le souci d'une composition chorégraphique aussi précise qu’engagée ainsi qu'un goût non dissimulé pour la générosité physique. Un compagnon de sueur, en somme, auquel le festival offre un opportunité de création, tandis que Yuval Pick inaugure sa nouvelle compagnie après avoir quitté le CCN au mois de décembre 2024.

L'argumentaire vaut à peu de chose près pour Ashley Chen avec le violoncelliste Pierre Le Bourgeois qui présente Dégringolade ou l’art de rester debout, physiquement très engagé et d'une délicatesse musicale extrême, avec, ce qui répond aussi à la sensibilité de Thomas Lebrun, une réflexion très fine sur le statut de danseur venant d'un créateur qui est aussi un interprète hors du commun.

La présence de Michèle Murray qui étonnerait peut-être un peu plus car son univers se distingue de celui de Thomas Lebrun, s'affirme avec plus d'évidence : malgré (ou à cause) de ces différences, la chorégraphe Montpelliéraine est artiste résidente au CCN de Tours. Avec Jardin/Collision et Combustion, elle propose « une performance conçue pour l’espace muséal, dans laquelle les corps dansants constituent les œuvres », ce qui dans l'espace intime et charmant du musée de Tours – un lieu habituel du festival – et compte tenu de la puissance de la danse, promet !

Et puis la curiosité naturelle d'un artiste fait le reste. Pour la chorégraphe qui a exploité toutes les ressources du masque (par exemple Switch, 2007), l'usage de la marionnette titille, donc Kaori Ito que l'on ne voit plus guère depuis qu'elle dirige une institution théâtrale (TJP – CDN de Strasbourg Grand Est) vient présenter Waré Mono avec une figure qui signifie les étapes de l'enfance. Dans la même catégorie, Ikue Nakagawa, déplace et anime sous nos yeux un mannequin de son fils, son Tamanegi. On pourra aussi  faire un tour au Prieuré voir comment Jann Gallois organise sa danse dans l'espace public (In Situ, 7 juin) ou Erika Zueneli & Laura Simi pour le remarquable Saraband (lire notre critique) qui jouent du maquillage comme masque (5 juin). Sans oublier les projets participatifs ou en direction des non-danseurs menés par Roser Montlló Guberna & Brigitte Seth ; Yohann Têté … Et bien sûr les Majorettes de Mickaël Phelippeau [lire notre critique].

Mais ce n'est pas tout !! Moins attendue de la part du Directeur du CCN de Tours, la programmation de la toute dernière création d'Angelin Preljocaj, Licht, couplée avec le formidable Helikopter sur une création musicale électro de Laurent Garnier, avec ses dimensions grandioses, emportera le public à n'en pas douter [lire notre critique]

En somme, la programmation du festival fonctionne comme une traversée en biais dans l'univers de Thomas Lebrun mais offre aussi, comme le titre le suppose, un Tours d'Horizon plus vaste. Ce festival 2025 offre à travers les spectacles proposés quelque chose comme un éclairage sur le monde créatif qui nourrit le chorégraphe du CCN dont on notera qu'il ne propose pas de pièce personnelle ni de ceux qui l'entourent dans ses créations (à une exception près, à vous de trouver !).

Philippe  Verrièle

Festival Tours d’Horizons du 30 mai au 13 juin 2025

Image de preview : Erika Zueneli & Laura Simi © Alban Van Wassenhove

 

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