Simone Mousset et Marion Zurbach à Artdanthé
Deux spectacles de nos voisins Suisses et Luxembourgeois The Great Chevalier de Simone Mousset et Héritier x ouvraient avec humour cette 27e édition du festival Artdanthé.
C’est sous le signe de l’humour qu’a ouvert cette 27e édition du festival Artdanthé. Tout d’abord, rendez-vous à la Mairie de Vanves, où le maire, Bernard Gauducheau, présente Simone Mousset, co-directrice artistique du Ballet national Folklorique du Luxembourg, et rappelle qu’il s’agit de « son retour à Vanves, 50 ans après la première représentation inoubliable du fameux ballet Josiane la Paysane des sœurs Joséphine et Claudine Bal, fondatrices de la compagnie – bien avant Ardanthé donc, la danse à Vanves, déjà » ponctue le maire. Et pour cette occasion exceptionnelle, le nouveau directeur artistique, M. Chevalier (le Great Chevalier !!), va exécuter lui-même, et dans cette même salle des mariages, l’icônique Danse du pigeon !
Aussitôt dit, aussitôt fait, le voici – après s’être lancé dans un strip-tease inattendu, en collant, interprétant cette danse virtuose, qui emprunte la plupart de ses pas à un classique compliqué, pour ne pas dire tordu, en tours, en sauts, et en équilibres plus que risqués. Ensuite, M.Chevalier entre dans le vif du sujet et danse The Great Chevalier – un rôle donc très personnel, où il finit par invectiver les spectateurs qui participent (mal) à la pièce. Plus ça va, moins ça va, et le « Chevalier » finit par disparaître en rampant, enroulé dans un tissu coloré que nous n’avons pu malheureusement bien distinguer (la salle des mariages n’étant pas une salle de spectacle…). Drôle, ce spectacle pince-sans-rire est une petite performance savoureuse – mention spéciale à Bernard Gauducheau, qui joue le jeu à merveille, et nous fait croire à cette fable avec brio !
Les Héritier x de Marion Zurbach part d’une démarche savante pour construire la danse, s’inspirer de son histoire, et surtout des traces fascinantes qu’il nous en reste, comme cette mythique Orchésographie (1589) de Thoinot Arbeau (1520-1595), un ouvrage « en forme de dialogue, par lequel toutes personnes peuvent facilement apprendre & practiquer l'honneste exercice des dances. ». L’homme, Jehan Tabourot (anagramme de son nom « de scène ») est chanoine, prêtre licencié en droit, jésuite, compositeur, écrivain et… chorégraphe, puisqu’il est le premier à « écrire la danse », cherche à légitimer la danse à une époque charnière où l’Eglise commence à s’en défier de plus en plus, et où le pouvoir en place a la ferme volonté de la récupérer comme outil de propagande, en distinguant une danse « noble » et mesurée, des danses populaires, agitées et « sauvages ».
Dans l’Orchésographie, Arbeau initie un jeune avocat à l’art de danser, donc un dialogue entre un prêtre et un magistrat, confrontant de fait, les lois spirituelles et temporelles à la toute nouvelle « chorégraphie ». Le propos de Marion Zurbach est de revisiter toute cette démarche à l’aune de notre époque, en étudiant comment cela pourrait résonner dans les corps d’aujourd’hui. La première partie qui expose les pas d’époque « reconstitués » et interprétés par des corps actuels est tout à fait intéressante, même si nous aimerions voir un peu plus de ce vocabulaire ancien. Reste que ces enchaînements de pas « simples » « passées » et autres « greves » prennent la forme d'une chorégraphie de la Renaissance revisitée. Mais, Arbeau était aussi compositeur, et les interprètes ont donc travaillé ses chants polyphoniques à quatre voix comme Belle qui tiens ma vie, réadapté pour trois voix. Les Héritiers x est donc un spectacle musical aussi bien que dansé le tout orchestré par Stélios Lazarou qui, comme le chanoine de Langres, danse et compose.
Et c’est bien Lazarou qui fait dérailler le tout, insinuant dans la musique du XVIe siècle de l’électronique qui joue d’abord comme contrepoint avant de se diriger vers discordances et chaos. De même, les costumes, plutôt rigolos mais inspirés de la fin Renaissance avec leurs fraises, pourpoints et hauts de chausse, deviennent des accoutrements outranciers un peu trash dans la seconde partie où les corps se déchaînent. Tout cela est foutraque à souhait et d’un humour tout en demi-teinte. Mais, bien que le propos de Marion Zurbach se tienne parfaitement, nous aurions aimé un peu plus d’écriture chorégraphique dans cette seconde section de la chorégraphie, qui, bien que virtuose manque, selon nous, d’un peu plus de recherche – même dans le débordement.
Agnès Izrine
Le 7 mars, festival Ardanthé, Théâtre de Vanves.
Distributions
The Great Chevalier
Fondatrices du Ballet National Folklorique du Luxembourg Josephine et Claudine Bal
Direction artistique du Ballet National Folklorique du Luxembourg M. Chevalier
Co-direction, conception et réalisation Simone Mousset
Dramaturgie de la compagnie Lou Cope
Musiques historiques composées et enregistrées Maurizio Spiridigliozzi
Scénographie (élément) Mélanie Planchard, en collaboration avec Simone Mousset et Lewys Holt
Présentation par Louis Chevalier, avec la participation de Simone Mousset
Production Anna Hainsworth & Neil Lebeter
Diffusion La Magnanerie
Administration Cathy Modert
Remerciements Les Indépendances, Renelde Pierlot et Romain Gneouchev pour leur soutien à M. Chevalier dans son travail artistique, ainsi qu’à Elisabeth Schilling pour ses contributions à la reconstruction de la Danse du Pigeon en 2017
Héritier x
Concept & chorégraphie Marion Zurbach
Performance & collaboration artistique Évo Mine Lambillon & Pierre Piton
Performance & composition sonore Stélios Lazarou
Coaching danses, chants & arrangement musical Madeleine Saur
Accompagnement dramaturgique Arthur Eskenazi
Création costumes Silvia Romanelli
Textes Toinot Arbeau & Clément Marot
Œil extérieur costumes Myriam Casanova
Dessins Maria Demandt
Création lumières Olivier Famin
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