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« Naharin’s Virus » d'Ohad Naharin

Une danse d’une rare puissance, des interprètes virtuoses et une énergie électrisante, voici Naharin’s Virus une pièce d’une force peu commune et d’une actualité brûlante signée Ohad Naharin à voir à l’Onde, Théâtre Centre d’Art de Vélizy-Villacoublay le 17 mars et à La Filature de Muhouse, les 20 et 21 mars dans le cadre de la Quinzaine de la Danse.

Ralentis comme en apesanteur, ne se soutenant plus seuls, penchés, perdus presque, ou élégiaques sur l’Adagio de Barber, les corps donnent à la chorégraphie des allures d’après tout, avant que la gestuelle, parcourue de spasmes, comme disloquée, ne prenne le relais. Dans ses déclarations publiques, Ohad Naharin n'a jamais caché qu'il prônait la réconciliation israélo-palestinienne ou qu'il n'était pas d'accord avec la politique actuelle (et ce, depuis fort longtemps !) de son gouvernement. Une partie de la musique dans "Naharin's Virus" est celle d’Habib Allah Jamal qui se définit comme un Palestinien arabe de citoyenneté israélienne. Véhémente, cette chanson lance littéralement la pièce, et dope de son rythme insistant les danseurs et danseuses du Batsheva Ensemble (la troupe junior de la Batsheva Dance Company). Chorégraphié sur le texte tiré d’Outrage au public (1966) de Peter Handke, Naharin’s Virus distille une gestuelle qui passe de l’affolement à la stupéfaction.

Galerie photo © Ascaf

D’une force orageuse peu commune, cette pièce, dont la violence mécanique enfle au point de saturer le plateau, pousse à ses dernières extrémités la charge émotionnelle et pulsionnelle, tandis que le texte qu’un danseur récite – et parfois éructe – debout, perché en haut d’un tableau noir, accroît singulièrement un sentiment de colère, qui lentement envahit le spectateur, ou plutôt l’infecte, tel le virus qui lui sert de titre. Créée en 2001 (et reprise en 2004 et 2014), la pièce prend une acuité singulière en 2025. Non seulement face à la guerre de Gaza qui a suivi le massacre du 7 octobre 2023, mais aussi parce que la violence, l’agressivité, et la haine se propagent au niveau mondial, comme cette diatribe d’Handke, qui remet le spectateur à sa place, finit par une cascade d’insultes digne des réseaux sociaux (qui pourtant, n’existaient pas à l’époque !).

L’écriture chorégraphique, soulignée par les académiques blanc et noir – sorte de clin d’œil aux Beach Birds de Merce Cunningam – qui revêtent les danseurs et danseuses devient dessin, aussi épuré que la ligne tracée à la craie qu’inscrivent sur un tableau noir chacun des interprètes, est porteuse d’une indicible rage. Ce tableau, devient vite une sorte de mur palimpseste, où chacun vient ajouter des traces de vie, égrènent leurs souvenirs, des anecdotes ancrées dans une réalité décalée, ou écrivent des mots, comme celui de PLASTELINA, qui surgit vers la fin.

Avec ces mouvements ondulatoires, obsédants, ces femmes qui se plient sur leurs jambes écartées, ces hommes agités, le chorégraphe plonge le public dans une œuvre aussi électrique qu’éclectique. Bien sûr, et comme toujours, Naharin’s Virus comme toute l’œuvre d’Ohad Naharin ne saurait se réduire à une interprétation, mais il laisse ouverte la porte à toutes celles que vous pourrez imaginer. Car selon Naharin chaque œuvre « n’offre qu’une multiplicité de choix qu’il vous appartient de saisir, mais ne dispense aucune vérité ».

Agnès Izrine

À l’Onde, Théâtre Centre d’Art de Vélizy-Villacoublay le 17 mars 2025

A La Filature, Scène nationale de Mulhouse, dans le cadre de La Quinzaine de la Danse, les 20 et 21 mars 2025.

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