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« Mu » de David Drouard

L’Espace 1789 nous a permis de découvrir le ballet krump de David Drouard, Mu (2020), une pièce qui fait appel à sept mercenaires prêts à en découdre sur scène et, à un moment donné, jusque dans la salle. 

Mu, la douzième lettre de l’alphabet grec, ne désigne pour l’instant pas un nouveau variant du Coronavirus mais plutôt une suite de variations dansées – ainsi que de mouvements « groupaux » – chorégraphiés par David Drouard et exécutés avec vigueur et vivacité par des interprètes que nous nous devons de mentionner : Ashley Biscette, Sara Tan, Léonie Mbaki, Shane Santanastasio, Michael Florestan, Hugo Marie, Germain Zambi. Des krumpers, comme on dit, les uns déjà confirmés, les autres de plus fraîche date. Le tour de force de l’un, mais aussi des sept autres, est qu’une gestuelle minimale – parfois même animale –, guerrière d’apparence, déchaînée de prime abord, agressive à première vue, puisse couler de source (mu ayant un sens aquatique) et ainsi produire un spectacle d’environ une heure d’une fluidité peu commune, alternant, comme il se doit, temps faibles et forts – et tempos allant avec, piquetés à la bonne mesure par la B.O. électro-acoustique d’Alexandre Dai Castaing.

Comment se fait-il qu’avec une salle comble, fédérant un public de tout âge, nous ayons eu la sensation d’être « déçus en bien », comme disent nos amis suisses romands ? Il y a certes le dispositif lumineux, ingénieux et efficace, imaginé par Jeronimo Roeet Shani Breton, qui, suivant le souhait de David Drouard, fait également office de scénographie, matérialisé par l’équipe technique de la compagnie D.A.D.R. et celle du théâtre. Soit une quatorzaine de spots circulaires fixés au mur, côté jardin et une soixantaine d’autres en guise de plafonnier, bordés d’un liseré rectangulaire à base de leds – peut-on penser. Il y a bien sûr les beaux costumes de Cedric Tirado aux teintes éteintes mais élégantes, des collages de type « Desigual » parfaitement confectionnés, avec d’attrayantes ouvertures sur les cuisses et d’inattendus décolletés. 

Galerie photo © François Stemmer

Il y a aussi, et surtout, le savoir-faire de l’auteur, du créateur de « formes hybrides dans le champ chorégraphique », comme dit la notice de la pièce qui n’abuse pas outre mesure du jargon vincennois hérité de Deleuze. En l’occurrence, David Drouard a réussi à fusionner contemporain et krump sans aucun problème. Sans la moindre anicroche. On peut penser qu’il a retenu la leçon de Jirí Kylián lequel, avec une pièce telle que Stamping Ground (1983) qui lui avait été inspirée par les danses rituelles des Aborigènes d'Australie, qu’il avait stylisées et donné à interpréter au Nederlands Dans Theater, avait transfiguré celles-ci jusqu’à en faire un chef d’œuvre du genre néoclassique. De la même manière, Mu nous a mu et ému toute l’audience.

Nicolas Villodre

Vu le 4 février 2022 à l’Espace 1789 de Saint-Ouen.

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