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Malandain Ballet Biarritz : Danser Beethoven !

Dans le cadre du 250eanniversaire de la naissance de Beethoven, Thierry Malandain créé à Chaillot La Pastorale. Entretien.

Danser Canal Historique : Pourquoi avoir souhaité vous associer à cette commémoration ?

Thierry Malandain : En fait, ce ballet est né d’une commande de l’Opéra de Bonn. Son directeur me connaît puisque le Malandain Ballet Biarritz s’y est déjà produit à trois reprises, et il apprécie mon travail. Il m’a donc demandé une création sur une musique de Beethoven, en me laissant libre du choix de la partition. J’avais d’abord pensé d’abord à la 7Symphonie, l’Héroïque, mais avec vingt-deux danseurs seulement (l’effectif du MBB), c’était trop difficile. Je me suis alors tourné vers la Pastorale en sachant que, de toutes façons, aucune des œuvres symphoniques de Beethoven n’était suffisamment longue pour une soirée entière - hormis Les Créatures de Prométhée que j’avais déjà utilisée pour Créatures. Afin que la pièce puisse durer une heure quinze, j’ai ajouté en introduction Les Ruines d’Athènes et j’ai fini avec une Cantate. 

DCH : On vous sait très sensible à la musique. Quelle place tiennent Beethoven et cette symphonie en particulier dans votre panthéon personnel ?

Thierry Malandain : J’adore Beethoven. J’admire énormément sa force et sa puissance en tant que compositeur, mais j’aime aussi chez lui son profond humanisme. Si j’avais pu, j’aurais créé encore plus de pièces sur sa musique. Je pense par exemple aux concertos pour piano, pour violon, ou à cet extraordinaire triple concerto pour piano, violon et violoncelle, mais qui ne dure hélas que 35 minutes. Ses quatuors aussi sont une merveille. Quant à la Pastorale, elle m’intéresse car elle se réfère à un genre artistique et littéraire connu depuis l’Antiquité, qui dépeint un monde où bergers et bergères vivent en harmonie avec la nature. Ce mythe d’un idéal de beauté, présent à toutes les époques, ressurgit particulièrement lorsque la période est troublée, comme actuellement. 

DCH : Le thème de la nature est aussi présent dans certaines de vos œuvres récentes, comme Noé

Thierry Malandain : En fait, l’une des images que j’avais en tête en écoutant cette symphonie était une séquence d’un vieux film américain de Richard Fleischer qui s’appelle Le Soleil Vert. Ce long métrage d’anticipation se passe dans un monde ravagé par la pollution où la nature n’est plus qu’un lointain souvenir, un Eden perdu dont on projette les images à un vieil homme sur le point de mourir, au son précisément du premier mouvement de la Symphonie Pastorale. Mais je ne voulais pas faire un ballet à thèse, juste une œuvre où chacun projette son propre imaginaire. Je l’ai découpé en trois parties : la première présente la réalité dont veut s’extraire le personnage central, qui s’aventure dans le rêve escorté et guidé par deux couples ; la deuxième, sur l’intégralité de la symphonie, raconte et montre ce rêve, enfin dans la dernière partie, le héros traverse la mort et parvient au paradis. Le rêve a été un substitut du bonheur.

DCH : Sur cette trame, comment se déploie votre écriture chorégraphique ? 

Thierry Malandain : En référence au genre même de la pastorale, je me suis beaucoup inspiré de la danse antique, dont l’histoire traverse les époques. Avant même qu’Isadora Duncan ne la remette au goût du jour au début du siècle passé, il y a eu sous le premier Empire de nombreux ballets dits anacréontiques, qui étaient dansés en sandales lacées et en jupes à l’antique. Plusieurs Français se sont intéressés à cette forme d’expression, et un historien comme Louis Séchan* a consacré deux gros volumes à La Danse grecque antique. J’ai aussi pensé à toutes les danses des années vingt, à Mary Wigman qui avait réglé la chorégraphie des Jeux Olympiques en 1936 à Berlin et à Serge Lifar évidemment. 

DCH : La scénographie fait-elle elle aussi référence à l’Antiquité ? 

Thierry Malandain : Le plateau est couvert par une grosse structure métallique carrée qui évoque ce qu’on appelle le carré Sator, un palindrome qui aurait été l’un des signes de ralliement des premiers Chrétiens. Il s’agit d’une phrase énigmatique, qui place l’homme au cœur de la création et qui figure sur plusieurs inscriptions latines (la plus ancienne a été retrouvée dans les ruines de Pompéi). Sur la scène, ce dispositif crée un espace clos, alors que la pastorale est plutôt associée d’ordinaire à l’idée de spirale ou de cercle. Mais la nature est aussi présente, puisqu’à un moment passent trois escargots, symboles de renouveau !

DCH : Comment avez-vous travaillé pour cette création ?

Thierry Malandain : Depuis plusieurs mois, j’avais en tête l’idée générale et les éléments du ballet. Comme à l’habitude, tout s’est mis en place sur le plateau. Tôt chaque matin, je réécoutais la Pastorale, pour me mettre dans l’ambiance avant d’entrer en studio. Là, je me laissais guider par l’inspiration du jour. Je ne demande pas d’improvisations aux danseurs mais je travaille à partir de leurs corps. Nous avons commencé les répétitions en mai dernier et les avons terminées en août avec des interruptions entre temps, soit six à sept semaines en tout. Par ailleurs, la compagnie ayant récemment intégré deux nouveaux danseurs, il fallait qu’ils se familiarisent avec notre travail. En outre, nous savons eu plusieurs blessés, ce qui m’a contraint à ramener l’effectif de cette Pastorale de vingt-deux à vingt interprètes. 

DCH : Vous êtes semble-t-il le premier chorégraphe français à ouvrir les célébrations de cet anniversaire Beethoven…

Thierry Malandain : Peut-être. Mais en Allemagne, c’est un véritable événement national auquel est consacré un budget total de quatre-vingt millions d’euros !

Propos recueillis par Isabelle Calabre. 

A Chaillot-Théâtre national de la Danse  du 13 au 19 décembre 2019

 

* Le grand-père du chanteur Renaud…

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