Les 30 ans de la Caserne, CCN de Belfort
Il y a trente ans, le CCN de Belfort investissait l’ancienne Caserne de l’Espérance, une installation qui matérialisait un projet fort d'Odile Duboc. Pour cet anniversaire, Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, actuels directeurs du CCN organisent plusieurs manifestations, et invitent également plusieurs dizaines d'étudiants d'écoles supérieures regroupés tant pour fêter l’événement que pour une expérience formatrice.
Pourrait-on conseiller aux automobilistes de la ville de Belfort, du 13 au 18 mai 2025, de se méfier des traversées inopinées de jeunes danseurs pressés ; jusqu'à suggérer un panneau spécifique car, sans faire offense à l'office de tourisme belfortain, la circulation locale n'a guère l'habitude de ce genre de phénomène… 60 étudiants en danse en résidence et – nécessairement à la vue de leur programme chargé – en retard, cela peut déstabiliser le conducteur un rien routinier.
Pas de mystère à cette soudaine concentration, mais un anniversaire. Celui des 30 ans de l'installation du Centre chorégraphique national de Bourgogne-Franche-Comté (fondé en 1990 sous le nom de Centre chorégraphique national de Franche-Comté Belfort Sochaux) dans le bâtiment de l'ancienne Caserne de l'Espérance, en plein cœur de Belfort.
Projet artistique autant qu’architectural : ville forteresse nantie de nombreux ouvrages de défense, pour la plupart détruites, la ville s'est enquise dans les années 1990, de redonner un usage à ses friches militaires dont la Caserne de l'Espérance. Magasin d'intendance pour la garnison de la ville, construit à partir de 1780, c’est le plus ancien bâtiment de Belfort. Il a été réhabilité entre 1991 et 1995 pour accueillir le Centre Chorégraphique National avec cette originalité d'avoir été pensé pour être un outil de création sous toutes ses facettes il a été équipé d’un véritable plateau de théâtre avec un dispositif scénique sophistiqué, comprenant la scénographie et les lumières. Ainsi, le CCN de Belfort dispose-t-il d'une salle-studio exceptionnelle portant le nom d'Espace Odile Duboc (depuis 2015) avec une jauge modeste plutôt que d'une véritable salle de diffusion. Mais cela permet de multiplier les collaborations avec les partenaires, notamment suisses puisque Belfort est proche de la Confédération Helvétique. Cet équipement est donc au cœur du projet du CCN et explique que les actuels directeurs aient mis les moyens pour cet anniversaire.
Héla Fattoumi et Eric Lamoureux (en poste depuis 2015 et qui sont en discussion pour une prolongation de trois ans) présentent une œuvre de chacune de leurs prédécesseuses, Odile Duboc et Joanne Leighton ainsi qu'une pièce de leur propre répertoire.
Petite difficulté, Odile Duboc, disparue en 2010, exprimait dans son testament artistique, la volonté que ses pièces ne soient pas diffusées après sa disparition. Mais elle était très sensible à l'idée de transmettre un savoir technique, sensible et esthétique à travers ses œuvres, insistant sur l'importance de la circulation de ce savoir parmi les danseurs. Quelques-uns de ses interprètes peuvent ainsi se servir d’extraits de spectacles pour assurer, avec l’accord de Françoise Michel qui avait cofondé leur compagnie Contre-Jour et partageait la direction du CCN, cette transmission.
Ainsi, dix étudiants du Conservatoire National Supérieur de la musique et de la danse de Paris reprendront Boléro un, extrait de la pièce Trois Boléros (1996) [lire notre article] soit exactement un tiers puisque l'œuvre est composée de trois variations interprétées par dix, deux et vingt et un danseurs et soutenue par trois versions différentes de l'enregistrement de la partition de Maurice Ravel. La transmission effectuée par Agathe Pfauwadel et Stéphane Imbert, sous la direction de Françoise Michel, étant un gage de sérieux.
Bolero Un d'Odile Duboc, version d'origine.
Joanne Leighton (directrice du CCN de 2010 à 2015) proposera, Nos Songlines, pour vingt étudiants du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon. Créé à l’origine pour huit danseurs en 2018 sous le titre Songlines, c’est un développement sur la marche inspirée de la culture aborigène (la chorégraphe est d'origine australienne), qui demande aux interprètes d'entrer dans le processus de création. Ce qui nécessite un travail pédagogique autant que créatif (et réciproquement).
Enfin Zak d'Héla Fattoumi & Éric Lamoureux. Là encore, genèse complexe. Au départ, il y a Akzak, l’impatience d’une jeunesse reliée (2020), qui rassemble douze jeunes danseurs du continent africain autour du percussionniste virtuose Xavier Desandre Navarre. Succès qui soulève les grandes salles au point que les chorégraphes imaginent une réadaptation : Zak Rythmik, version réduite à cinq danseurs qui existe en version salle et in-situ, toujours sur la partition musicale tissée de séquences rythmiques complexes, clappées et dansées, qui sont autant de prétextes pour créer du lien et composer un univers ludique. Les danseurs jouant – à tous les sens du terme – avec des Boomwhackers (tubes musicaux). Un univers léger, joyeux, coloré et très orienté vers la jeunesse qui convient parfaitement aux vingt étudiants du Ballet Junior de Genève.
Trois univers pour trente ans de CCN, réunis par une génération d'étudiants danseurs. La soirée sera donnée trois fois, dont une au Théâtre du Jura (Delémont/Suisse) le dimanche 18 mai, témoignage des liens tissés avec les partenaires locaux.
Évidemment, un tel programme créatif, même s'il a été largement élaboré en amont, a demandé des temps de transmission avec les étudiants des trois institutions depuis l'automne 2024 jusqu'à ce mois de mai 2025, intégrés dans les cursus de formation des trois établissements. Sur place se tiendra pendant trois jours une forte activité : matin et après-midi, des interventions représentant les univers artistiques des directions successives du CCN et une première répétition générale le mercredi 14 mai 2025. Les training sont prévus pour faire de cette célébration une rencontre-partage conçue en collaboration avec les équipes pédagogiques des trois établissements.
Et les plus de soixante participants seront amenés à s'intégrer dans le reste des activités dont la grande journée festive, le samedi 17 mai 2025 : Ouverture, de Géraldine Chollet (Suisse), dispositif pour quatre danseurs et cent spectateurs dans la Salle des Fêtes, projet Boléro, dirigé par Marie-Pierre Antony-Antonetti, avec les élèves du Conservatoire de Belfort et accompagné par l’Harmonie municipale de Belfort ; Danser ma ville de Taoufiq Izeddiou avec les étudiants des Conservatoires de Belfort et Montbéliard, les étudiants danseurs invités pour la soirée hommage, et des danseurs amateurs de Belfort sur la Place d’Armes… La diffusion dans son lieu de création du solo 3 avenue de l’espérance (chorégraphie Julie Nioche & Rachid Ouramdane), créée au Centre chorégraphique national de Belfort au printemps 1995, et qui n’est autre que l’adresse du CCN… qui sera devenue le 15 mai prochain l’Esplanade Odile Duboc. Et pour clore cette journée du 17 mai, un grand bal « Pernette » !
Philippe Verrièle
13 au 18 mai 2025 – La Caserne Danse – Les 30 ans
Manifestations gratuites dans la limite des places disponibles
https://www.billetweb.fr/la-caserne-danse
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