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La Veronal : « Pasionaria »

La Veronal est en ce moment à l'affiche du Pavillon Noir d'Aix en Provence avec une pièce où la passion souffle le froid et même le glacial. A voir les 15 et 16 octobre.

Comme toujours chez le chorégraphe, le titre représente moins un mot ou une idée qu’un faisceau d’images propre à se déployer dans de grandes fresques aux allures cinématographiques. Pasionaria ne déroge pas à la règle et a été choisi pour sa  symbolique forte où hommes et gestes, telles des empreintes et des balises sur un chemin faiblement éclairé, sont chargés d’énigmes et de contradictions, dont la réalité est perpétuellement remise en question. Mais qu’est-ce que la passion ? Une obsession ? Ce qui fait souffrir et nous anime ? Ce qui nous distingue en tant qu’humains ?

Voilà un bon point de départ. Mais au lieu de chercher à mettre en gestes l’éventail des désordres de l’âme et du corps, Marcos Mauro a, au contraire, chorégraphié des personnages robotiques, à l’équivoque inquiétante, amenuisant la frontière de l’animé et de l’inanimé.

Galerie photo : Alex Font

Dans un décor d’une neutralité assommante, canapé beige, murs grèges, et rampe grise, se meuvent les tenants d’une nouvelle humanité, désaffectée mais pas désœuvrée, maniant sans relâche cartons et paquets, on se croirait dans un entrepot Amazon, passant l’aspirateur, le tout sans état d’âmes et même sans y penser. Sonneries, buzz en tout genre, et téléphone old style, rythment cette dystopie dans laquelle même la musique distille des airs de déjà vu, passant Bach à la moulinette,  où les gestes se répètent autant que les parcours, sauf accident.

Comme souvent chez Marcos Mauro, hyperréalisme et surréalisme se confondent aux confins du bien et du mal. Comme dans Voronia, l’enfance joue un rôle central, et raconte un monde dévasté. Angoissant à souhait, dans le monde de La Veronal, les étoiles grossissent et la lune vient cogner à la fenêtre avant de pulvériser ce monde aseptisé, où les bébés naissent sans bras ni jambes, ou, au contraire, un peu trop pourvus de membres. Humains ou robots ? Peut-être les deux. A l’heur du transhumanisme et du corps augmenté, au fond tout est possible seule la passion, l’amour ou la souffrance pourront faire la différence, si tant est qu’elle puisse encore exister.

Au-delà de cette trame fictionnelle, au fond un peu mince même si bien trouvée, on admirera la technique mise au point par Marcos Mauro et ses danseurs nommée la Kova, une forme de désarticulation du mouvement qui joue sur les dissociations et les isolations, et ressemble un peu au style « robot » du hip hop.

Elle convient, évidemment à merveille, au sujet. Ce langage abstrait qui s’attache à la forme pure exige une virtuosité technique et une absolue maîtrise du corps coutumière à tous les interprètes de La Veronal. Ce style fait souvent appel à la manipulation et au jeu avec l’autre : le corps, soumis aux stimuli de morphologies diverses, réagit en produisant des formes aussi originales qu’étranges, parfois mécaniques, l’amenant à effectuer des mouvements extrêmes, poussés au paroxysme de leur potentiel expressif.

On appréciera aussi le stylisme parfait qui associe la scénographie de Max Glaenzel et les costumes de Silvia Delagneau, qui fait glisser dans ce camaïeu de beiges et sable, quelques touches de bleu ciel bien venu. 

Comme toujours, on saluera la réussite esthétique de ce spectacle qui nous promet un avenir plus irradié que radieux !

Agnès Izrine

Vu le 20 novembre 2018. Festival Instances, Espace des Arts de Chalon-sur-Saône.

15 et 16 octobre à 20h - Pavillon Noir d'Aix en Provence

Distribution

DIRECTION ET CHORÉGRAPHIE Marcos Morau
DRAMATURGIE Roberto Fratini, Celso Giménez
SCÉNOGRAPHIE Max Glaenzel
SON Juan Cristóbal Saavedra
COSTUMES Silvia Delagneau
LUMIÈRES Bernat Jansà

AVEC Àngela Boix, Ariadna Montfort, Núria Navarra, Lorena Nogal, Shay Partush, Marina Rodríguez, Sau Ching Wong

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