« La Sirène à barbe » au Carreau du temple
Dans le cadre du festival Everybody 2025, le Carreau du temple a présenté le Cabaret La Sirène à barbe, établissement dieppois fondé en 2018 par Nicolas Bellenchombre, plus connu sous son nom de scène Diva Béluga.
Le show de ladite sirène tombe pile poil, si l’on peut dire, au moment où l’on célèbre, de Montmartre à Bastille – où l’on aime bien Nini-peau-d'chien –, le centenaire d’Aristide Bruant (qu’il ne faut pas confondre avec Aristide Briand), trépassé un 11 février, et où l’on fête Mardi gras et Monsieur Carnaval, de Nice (depuis le 12 février) à Bahia, en passant à Rio (à partir du 28 de ce mois). En une vingtaine de saynètes (21, si nous avons bien compté), la troupe drivée par Diva Béluga, un noyau d’intermittents permanents complété par de plus occasionnels, pas moins exceptionnels, nous a régalé de tableaux divers et variés mêlant transformisme, improvisation, sketches comiques, chansons live et en playback, musique, danse, acrobaties et autres routines circassiennes.
Après une série de tubes disco diffusés en sourdine à l’entrée des spectateurs – entre autres, celui de Diana Ross, Upside down (1980) et celui des Bee Gees,, Stayin’ Alive (1977), tiré du film de John Badham Saturday Night Fever – , les choses plus ou moins sérieuses ont commencé. La chanson Je suis toutes les femmes (1980) de Michaele/Lena & Paul Sebastian, immortalisée par Dalida, interprétée par Miss Béluga et les six artistes l’accompagnant, annonce la couleur. « J'aime les paillettes, les strass, les télégrammes » dit la chanson. Tel est le programme de la soirée. Tara Jackson, ténor au look étonnant – crâne imberbe et menton orné d’une barbiche réglementaire –, donne une excellente version de Do Ya Wanna Funk (1982), morceau dance de Patrick Cowley et Sylvester James. L’evergreen de Dalida Dans la ville endormie (1968) de Claude Lemesle, Tom Arena et William Sheller est prétexte à un solo particulièrement réussi d'Erwan, spécialiste, entre autres) de tissus aériens.
Galerie photo © Laurent Philippe
Pastichant une variation classique à la manière de Robert Hirsch, un homme-ballerine, Alonso Gyn, aligne entrechats, pointes et grand écart (position inconfortable dont il a, en apparence du moins, du mal à se relever). La séquence est illustrée par la malicieuse chanson de Georges Brassens, La Femme d’Hector (1958), enregistrée dix ans après sa création par Barbara. Dans la tradition de Bruant, le maître de cérémonie interpelle la salle. Sweety Bonbon, sa « sœur » chanteuse-pianiste met alors en vedette un spectateur prénommé Cyril, éclairagiste de profession, qui accepte de lire au micro les paroles de Paroles...Paroles, le parlé-chanté de Giovanni Ferrio, Matteo Chiosso, Giancarlo Del Re et Michaele, popularisé de l’autre côté des Alpes en 1972 par Mina et, chez nous, l’année suivante, par Alain Delon et Dalida. Suit une danse d’éventail à plumes, numéro « burlesque » mis à la mode dans les années vingt par Faith Bacon et, par la suite, Sally Rand.
Galerie photo © Laurent Philippe
Kara Van Park, « reine des abeilles » de Brighton, entonne de son puissant organe un extrait de la comédie musicale Les Misérables (1980) de Claude Michel Schönberg, Alain Boublil, Jean-Marc Natel dans les lyrics anglais d’Herbert Kretzmer. Le Que rico mambo suit, dans une version sur-vitaminée donnée ad lib, dansée par Sweety Bonbon et un(e) partenaire de jeu. Un numéro acrobatique sur cerceau aérien calme les ardeurs. Les performances sont, on le voit, des plus variées. La vulgarité (à moins qu’il ne s’agisse de grossièreté) est assumée avec Béluga trônant sur son trône (une cuvette de WC en porcelaine sur roulettes) accompagnée par la chanson libertaire de Brigitte Fontaine, Prohibition (2009). La qualité poétique des paroles de Fontaine ne fait pas de doute. Dans le même genre ou presque, la chanson réaliste de Barbara Weldens Où sont mes nichons ? est interprétée en playback par la gracieuse Lily. L’air de My Heart Will Go On du film Titanic est parodié dans le style du Portsmouth Symphony Orchestra.
La salle reprend en chœur Sans contrefaçon (1987) de Mylène Farmer, icône gay s’il en est. Mais le premier degré reprend fort heureusement ses droits. Odette Lünn se produit dans un joli numéro de ballons rouges gonflés à l’hélium qui prennent leur envol. Et, surtout, la performance d’Erwan, avaleur successivement de couteau, de kriss et de sabre, à défaut de couleuvres, est le punctum du show, qui plus est, placé au meilleur moment, autrement dit en fin de programme. Last but not least, Diva Béluga fait monter sur scène une spectatrice du premier rang qui n’est autre que Fabienne Thibeault. L’artiste franco-québécoise accepte de chanter avec Sweety Bonbon Un garçon pas comme les autres (Ziggy), signé Michel Berger et Luc Plamondon, titre qu’elle enregistra en 1978 sur l’album de la comédie musicale Starmania. La salle était debout durant les trois minutes et quelques de cet impromptu.
Nicolas Villodre
Vu le 14 février 2025 au Carreau du Temple dans le cadre du Festival Everybody
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