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Jade Lada « Potomitan » et Sarah Adjou « Revue »

La mouture actuelle du festival favorise quelques découvertes de jeunes chorégraphes, qu’elles naissent femmes ou pas. 

« On ne naît pas femme » : L'adage de Simone de Beauvoir commençait à vieillir, croyait-on. Et puis, arriva ce qui arriva : Donald Trump, Zemmour etc. La lutte recommence-t-elle…? Politiquement parlant, il n’est donc pas sans objet que Suresnes Cités Danse réunisse sous la formule deux propositions de jeunes chorégraphes femmes. Dont un trio probablement traversé par des échos antillais, et un solo offrant un panorama passant du cabaret à des territoires plus incertains.

On pourrait s’étonner de l’absence de danses urbaines, mais le festival, on l'a dit assez souvent, est devenu généraliste, consacré à la danse sous toutes ses coutures. D'une certaine manière, Carolyn Occelli suit, en tant que directrice, l'évolution du public qui n'avait, depuis longtemps, plus rien de spécifiquement hip-hop. Et Olivier Meyer, fondateur de Suresnes Cités Danses comme rendez-vous de style cités, avait assez souvent souligné qu'il proposait un « festival de danse » tout court, même si les danses urbaines en avaient défini le rôle à jouer dans le paysage artistique.

Galerie photo : Revue de Sarah Adjou © Laurent Philippe

Une nouvelle identité de Suresnes Cités Danse est donc en construction et un « on ne naît pas femme » bien appuyé pourrait en faire partie. Et l'ouverture à de jeunes chorégraphes est un autre fil repris par Occelli, ici transposé en danse contemporaine, voire en créations sans genre. Et on peut, comme depuis les débuts du festival, y faire de belles découvertes. Rappelons que Suresnes Cités Danse a vu, voire porté, les débuts de carrière de chorégraphes comme Denis Plassard, Farid Berki, Abou Lagraa, Antony Egéa et autres Amala Dianor.

Galerie photo : Revue de Sarah Adjou © Laurent Philippe

La belle découverte de l’édition 2025 se nomme Jade Lada. Qui, dans son trio féminin Potomitan, « explore la force et la résilience des femmes-piliers » de la société antillaise en partant sur les « parcours d’émancipation ». Et d’ajouter : « C’est un hommage à ma grand-mère Denise Doressamy Lada, une femme combative, courageuse et rassembleuse. » Cette pièce dessinant un parcours vers la liberté, on perçoit d’abord une panoplie d’énergies qui s’imposent aux femmes. Le trio avance en unisson et en demi-automates, le buste immobile, droit ou penché vers l’avant, sur des rythmes traversés par l’héritage antillais dans ce qui est peut-être une forme de transe, se battant contre des inerties inhérentes aux corps et aux ambiances.

Précise, articulée et pourtant fluide l’écriture de Lada se montre inspirée de gestes du quotidien et se décline de manière répétitive, comme si les trois femmes étaient hantées par des forces les entravant, à chaque tentative d’aller de l’avant. Aussi chaque mouvement du trio (Jade Lada, Chloé Maynet, Laura Morin) semble être soumis à un contrôle extérieur, cachant peut-être des expériences violentes. Dans cet état contraint des corps, dessiné avec finesse et maturité, Jade Lada s'affiche comme une chorégraphe à suivre.

Et on la suit encore, dans la seconde partie de Potomitan, qui annonce une libération des corps et des mouvements, d'abord à travers une phase de rébellion et de plongée dans les secrets de l'âme. Ensuite, jusque dans une ambiance carrément bon enfant. On la suit, dans le sens où le scénario est des plus évidents. Un peu attendu, même. Et on constate qu'il est bien plus difficile de maintenir un état d'alerte à travers un état libre et joyeux. La raison, sans doute, pour laquelle on en voit peu sur les plateaux. C'est l'ultime stade de la maturation, pas un fruit qui tombe du ciel.

Galerie photo : Revue de Sarah Adjou © Laurent Philippe

 

La première partie de ce programme sous l'enseigne du devenir-femme appartenait à Sarah Adjou et son solo Revue. Où le devenir-autre est incessant entre cabaret, tango, acrobatie ou, pour le premier tableau – très prometteur – une sorte de freak show tendance butô. S'il paraît naturel que l’on y rencontre des univers plus ou moins poignants (on se serait volontiers passé du numéro de la poule, par exemple), il serait surtout nécessaire d'unir toutes ces matières dans une proposition globale d’une plus grande cohérence, l'ensemble devant valoir plus que l'addition de ses composantes. Car un cabaret sans meneur ou meneuse de revue ne fait pas spectacle. Mais si avec le temps on devient femme, on peut aussi devenir chorégraphe…

Thomas Hahn

Le 2 février 2025, Théâtre de Suresnes Jean Vilar Festival Suresnes Cités Danse #33

 

 

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