Error message

The file could not be created.

Huitième édition du festival Bien Fait!

Après une année d’absence, Micadanses renoue avec ses plateaux partagés drôles, intimistes et bizarres comme l’ont démontré Frédéric Werlé et Ashley Chen.

C’est un réel bonheur de retrouver cet événement conçu par Christophe Martin qui ose, comme à son habitude, mélanger les styles et les parcours de remarquables artistes.

En ouverture de la soirée du 13 septembre, Frédéric Werlé se permet toutes les folies dans  My choreographic suitcase ou ma dernière révérence en relatant avec tellement d’humour et une incroyable présence ses souvenirs de danseur et chorégraphe. Très à l’aise sur un plateau, il brandit un brigadier qui frappait autrefois les  trois coups annonçant le début du spectacle. Pour lui, le conserver, est synonyme de tant de mise à nu, de tracs et de bonheur. Thomas Jolly l’a remis au goût du jour lors des JO au début des différentes disciplines. 

Puis, il poursuit sa litanie en sortant toutes sortes d’objets d’une valise aux trésors : une cassette VHS, un Polaroïd et un film Super 8 qui sont des vestiges précieux de sa vie de danseur émérite de la jeune danse française depuis les années 80.D’après lui, la servante, une ampoule qui éclaire les plateaux des théâtres vides la nuit est synonyme des fantômes des artistes du passé. Souvenirs, souvenirs !

Entouré du guitariste Paul Peterson et de Lucie Euzet qui œuvre en tant que régisseuse lumière, cette première et dernière pièce est bourrée d’autodérision, de souvenirs cocasses et de regrets. Ha comme il aurait aimé danser avec Juliette Binoche à la place d’Akram Khan en 2008. Alors il danse avec une incroyable souplesse et sensualité puis songe à son amourette pour Anouk Grimberg… En annonçant un entracte, il distribue des papiers au public. Il suffit de scanner le QR Code et chacun peut y écrire ce qu’il veut. Des messages élogieux et irrésistibles apparaissent sur un écran.  

Quarante ans de métier et toujours empreint d’un esprit dévastateur, il s’adresse directement au public, le prend à témoin et fait rire toute la salle. Mais comment ne pas regretter que cet artiste aux multiples facettes quitte la scène alors qu’il sait si bien occuper un plateau, rebondir avec les spectateurs, danser et narrer des histoires loufoques ou tragiques. Une délicieuse et rafraichissante pièce souvenir qui doit absolument poursuivre sa route car on imagine mal Frédéric Werlé tout lâcher et pouvoir fumer, manger du chocolat, ne plus s’entrainer physiquement et surtout qu’il devienne un fantôme du passé. 

En seconde partie de soirée, Ashley Chen entremêle souvenirs et interrogations sur ses interprétations accompagné par le violoncelliste Pierre Le Bourgeois dans son avant-première Dégringolade ou l’Art de rester debout. Entre un retour sur son parcours de danseur et la prolongation de son travail, ce duo fait songer à deux adolescents des années 90 qui s’amusent et font ressentir une profonde complicité.

Ashley construit cette pièce comme un tendre poème dont les phrases et les rimes explorent à travers un pas ou un mouvement emblématique une sorte de boucle chorégraphique hybride et virtuose. Le sourire aux lèvres, le danseur raconte qu’à 6 ans il faisait le cochon dans Alice aux pays des merveilles et en une rapide virgule, il se remémore l’époque mémorable où il était interprète pour Merce Cunningham. Puis, avec audace, virtuosité, fluidité et équilibres si solides, ses mouvements évoquent Mathilde Monnier, Boris Charmatz… tout cela en passant d’un mouvement à l’autre à une vitesse incroyable afin de démontrer les différents styles de ces immenses créateurs. 

D’où la preuve que la notion d’un poème est née de ses savants enchainements. Car Ashley Chen est toujours en quête de nouveauté afin de d’explorer et de faire évoluer les limites de son corps tout en démontrant la fragilité de l’humanité derrière la performance.  

Galerie photo © Laurent Paillier

Cette exploration entre le passé et le présent aux multiples concepts chorégraphiques sur les musiques de Bach et John Cage, interprétées en direct par Pierre Le Bourgeois au violoncelle, est non seulement magnifique, mais surtout extrêmement étonnante tant cette pièce est construite et dansée à merveille avec une réelle intelligence et un humour désarmant. 

Christophe Martin prouve à nouveau son talent pour programmer des soirées originales avec des artistes exceptionnels qui font rêver, rire et réfléchir en dévoilant des parcours si différents. 

Sophie Lesort

Spectacles vus le 13 septembre 2024 dans le cadre de Bien Fait à Micadanses

My choreographic suitcase ou ma dernière révérence

Chorégraphie et interprétation: Frédéric Werlé  
Interprétation: Frédéric Werlé, Paul Peterson, Lucie Euzet  
Musique: Paul Peterson 
Scénographie et lumières: Lucie Euzet

Dégringolade ou l’Art de rester debout

Conception, chorégraphie et interprétation : Ashley Chen 
Création musicale et interprétation : Pierre Le Bourgeois, d’après J.S Bach et John Cage Création lumières : Eric Wurtz 
Costumes : Marion Régnier

Première le 13 décembre 2024 : Festival Signes d’Automne au Regard du Cygne, Paris 20

 

 

 

Catégories: 

Add new comment