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« Furieux.ses » de Frédéric Cellé

We dance together, we rebel together : L’acro-danse en « environnement urbex ».

Alors, Furieux.ses, les jeunes d'aujourd'hui ? Le titre, d'emblée, étonne. Car Frédéric Cellé a su trouver un mot en écriture inclusive qui est prononçable en l'état. C’est un exploit. Ensuite, il nous parle d'acro-danse et d'univers « urbex ». Ce qui n’est pas le nom d’une entreprise du secteur du bâtiment.

Au contraire, ça fait jeune, trendy et permet de situer Furieux.ses  hors des sentiers battus, surtout vis à vis du nom de sa compagnie, Le Grand Jeté, ce qui renvoie à un univers plus classique, à moins qu'on le lise comme une description du chorégraphe et ancien interprète des Carnets Bagouet, de Nathalie Collantès, de Joanne Leighton et autres Fabrice Ramalingom/Hélène Cathala, dans le sens où François Alu appelait son solo autobiographique Complètement jeté.

A Pantin, la troupe de Cellé, installée en Bourgogne-Franche-Comté, avait investi la salle du Théâtre du Fil de l'Eau, situé au bord du canal, dans un environnement où, juste un peu plus loin, l'ambiance « urbex » (de l'anglais urban exploration) est encore à imaginer en live, avec son goût d'ex-terrain vague. De l'ex-urbex, en quelque sorte. On verrait donc bien les quatre danseurs s'aventurer entre les hangars, à la tombée de la nuit.

Et, vu que Furieux.ses  « pose la question à la jeunesse de la nécessité de se retrouver autour de la transe dans la vie sociale », on voyait d'un bon œil la présence de plusieurs groupes de jeunes dans la salle, se disant qu'ils allaient, de leur côté, voir d'un bon œil cette pièce se référant à leur propre univers (supposé). N'auraient-ils pas assez de raisons de se dire furieux ou furieuses ?

Mais qu’est ce qu’est la fureur, au juste ? Celle de Furieux.ses  ne ressemble pas à ce qu’on entend par là, habituellement. Est-ce vraiment toujours cette émotion violente et à peine contrôlable, cette folie frénétique, cette extrême colère auxquels on pense immédiatement ? La fureur peut aussi être cette envie irrésistible, définie par le Larousse comme un engouement irrésistible pour quelque chose, un état de folie ou un acharnement extrême dans l’action.

Galerie photo © Michel Petit

En ce sens, il n’y a aucun doute : Les quatre danseurs et le guitariste vivent ici bien un état de fureur, à savoir la fureur de bouger. Leur course ressemble parfois à une véritable ivresse, dans la fureur de l’action, sans but et sans discernement. En ce sens le quintette situé en environnement « urbex » rappelle justement les créations chorégraphiques pensées pour les festivals investissant l’espace public, où il faut attraper le badaud par le petit bout de son attention et le motiver à rester, en déversant un maximum d’énergie cinétique. Et une part d’acrobatie n’y fait pas de mal, d’autant plus que l’acro-danse est une discipline plutôt jeune qui a le vent en poupe.

Mais ils connaissent aussi des accalmies, se font bercer par la guitare de Théo Rodriguez-Noury, font des fauteuils et de la baignoire abandonnés qui meublent ce dedans-dehors – et même des façades – leurs agrès. Ils engagent de jolis portés et semblent s’agiter dans la nostalgie d’un état de bonheur dans lequel la rébellion et la fête se confondent. C’est d’autant plus vrai que ces acro-danseurs auto-définis comme « porte-étendards de la jeunesse d’aujourd’hui » ont plutôt l’air d’être déjà passés par la phase la plus furieuse et rebelle de la vie.

Galerie photo © Laurent Philippe

Aussi ils correspondent parfaitement à cet environnement « urbex » tel que le définit Cellé, à savoir comme « lieu de la réconciliation entre la nature, le vivant, et les constructions humaines passées. » Et bien sûr, l’époque d’avant l’urbanisation. Regarder l’environnement « urbex » avec un peu de recul révèle surtout le temps qui vient de s’écouler. Ce n’est pas ainsi que la jeunesse aborde le temps qui passe.

Réconciliation aussi entre les humains qui d’abord s’enivrent de musique et de danse en mode solitaire, pour s’accorder petit à petit dans des unissons et des figures de soutien mutuel, terminant sur une sorte de fureur du partage. Tout ça est finalement très adulte. Alors quid de cette suite du titre, « We dance together, we rebel together » et d’une pièce annoncée comme « mettant en lumière une jeunesse contemporaine aux aspirations contradictoires, oscillant entre résistance et soumission » ? Aide-t-elle la jeunesse à grandir ou aide-t-elle les adultes à accepter la perte de leurs utopies d’adolescents ?

Thomas Hahn

Vu le 30 janvier 2025, Pantin, Théâtre du Fil de l’Eau

Furieux.ses ? - We dance together, we rebel together

Chorégraphe : Frédéric Cellé

Acro-danseurs.ses : Angie Bustos, Guillaume Cursio, Louise Léguillon, Pierre Théoleyre
Musique live et composition : Théo Rodriguez-Noury
Assistante chorégraphique : Pauline Maluski
Création lumière : Amandine Robert
Création sonore : Thibaut Farineau
Costumes : Claire Dian
Scénographe : Andréa Wazree
Regards complices : Solange Cheloudiakoff et Gislaine  Drahy

 

 

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