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« Flowers » d’Édouard Hue

Excellente surprise que cette pièce printanière bonnement intitulée Flowers, créée par Édouard Hue à la Scala Provence avant d’être montée/montrée à celle de Paris.

Après un long duo masculin exécuté par Lysandre Korelis et le choréauteur en personne, se pointent, pieds nus et, par moments, sur demi-pointes, Delphine Guigue et Alizée Droux. L’une après l’autre ; la première, quelque peu hésitante, venue de jardin ; la seconde, rampant à plat ventre sous le rideau du fond, issue des coulisses ou de l’arrière-cour.

Or cette survenue, nous allons voir, bouleversera la dramaturgie. D’abord, et ce n’est pas rien, dans ce petit monde de grands hommes, l’arrivée de ces deux renforts féminins met un terme, au moins provisoirement, à l’entre-soi. La fraternité étant, tant mieux, élargie à la sororité, le « parce que c’est moi » consent, au bout d’un temps, il est vrai, au « pourquoi pas elle(s) ? ». Ensuite, formellement parlant, la chorégraphie change du tout au tout. Et pas simplement en s’ouvrant au surnombre – au double duo, au pas de trois et au pas d’ensemble.

La première partie, celle du duo d’hommes, relève encore de la représentation, de l’expression dramatique ou, ce qui revient au même, de la velléité comique. Ce qui nous paraît un peu forcé sur les bords, surjoué, devient enfin enjoué – et, du coup, le public, bon enfant, bon esprit, disponible, motivé, captivé, devient pour sa part, à juste titre, engoué. La querelle sans objet ni enjeu, le jeu d’enfants un brin attardés, la chamaillerie ou gesticulation, le sourire entendu censé déclencher celui du spectateur, l’anecdotique et tutti quanti font place à la danse, à l’abstraction, à l’informel. Un trait spécifique que nous avions déjà repéré dans la gestuelle d’Édouard Hue.

Dès lors, les danseurs faisant poker face, preuve d’impassibilité, le chorégraphe passe aux choses sérieuses et, comme l’écrit Bertrand Tappolet, dans le communiqué de presse, « explore des formes tels les sauts, les tours et le partnering, cet échange physique et gestuel entre interprètes (…) axé sur le partage du poids, le contact et l’élan, interrogeant les limites physiques et émotionnelles des corps. » On quitte le domaine théâtral qui avait pris le pas sur le pas de danse. Le final est soigné, la danse étant mue par une ballade piano-voix justifiant le titre de la pièce, qui permet au quatuor de se donner totalement.

Galerie photo © Zoé Dumont

Plusieurs éléments concourent à la réussite de Flowers. En premier lieu, sa durée, qui n’excède pas l’heure. Viennent ensuite les costumes fonctionnels et élégants griffés Babeth-Annecy ; la lumière, mise en valeur et en scène par un prologue dans lequel les deux danseurs jouent les machinos et entreprennent de débarrasser le plateau de projecteurs l’encombrant ; la bande-son, aux petits oignons, signée du compositeur fidèle Jonathan Soucasse. La révélation de la soirée étant pour nous la prestation remarquable, toujours juste et du plus haut niveau technique, d’Alizée Droux.

Nicolas Villodre

Vu le 19 juin 2025 à la Scala Paris

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