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Everybody 2025 au Carreau du Temple

Corps en fête, en « situation », en trans et en transe pour une 4édition qui explore la mémoire du corps du 14 au 18 février.

Tous les corps, en tous les états. Corps empêchés, corps en fête, corps entre-deux. On les a tous vus à Everybody. Par sa diversité si bien définie, mais aussi par sa forme compactée, le rendez-vous chorégraphique et performatif du Carreau du Temple s’est forgé, en trois éditions seulement, une identité forte dans le paysage si riche de la danse à Paris. L’édition 2025, la quatrième donc, ne fait que le confirmer, entre retrouvailles et découvertes. 

Le corps en joie

Sandrina Martins offre, comme à son habitude, une belle place à la transgression joyeuse et participative. C’est Lasseindra Ninja Lanvin en personne qui présente un bal voguing dans le hall du Carreau du Temple, sous le thème Don’t take it personal. La reine de la scène ballroom française est aussi celle qui signa Mood, tableau exaltant dans le spectacle de (La) Horde sobrement intitulé Childs / Carvalho / Lasseindra / Doherty. Elle est donc attendue au tournant, tout comme le collectif La Créole qui animera un DJ set multiple où se mélangent la techno et zouk, cumbia, dancehall, électro etc. Et face aux divers DJ, c’est toute une bande de danseurs qui donnera envie de se déhancher. Ainsi se terminent les nuits à Everybody. 

On associera à ces fiestas de la diversité le Bodhi Project, un ensemble autrichien auquel s’associe la chorégraphe Lenio Kaklea qui interroge les pratiques de la jeunesse d’aujourd’hui, entre dépendance psychique de la consommation et dépendance physique de substances procurant un sentiment de bonheur artificiel. D’où le titre de Chemical Joy pour une pièce immersive portée par un tropisme puissant.

Avec cette surprise, en arrive illico une autre, le cabaret queer La Sirène à Barbe, avec ses drag-queens, circassiens, chanteurs et danseurs. Le show est mené par le personnage de Diva Beluga, incarné par Nicolas Bellenchombre qui a ouvert un cabaret éponyme à Dieppe où Sandrina Martins a découvert leur univers médusant.

Le corps comme archive

Mais il y a toujours un fil rouge chorégraphique, voire plusieurs, dans ce rendez-vous, et on peut cette fois suivre tout un parcours où il sera question de la mémoire du corps. Et ce corps est le point de départ pour Olivier Dubois qui revisite son propre parcours de danseur en s’amusant de son corps actuel, sollicitant parfois la complicité du public. Un solo Pour sortir au jour, et donc en quelque sorte renaître devant les spectateurs ? C’est admettre que rien n’est éternel. Aucun corps, aucune danse. 

La Hongroise Boglárka Börcsök en convient, ayant rencontré et filmé trois danseuses qui faisaient partie du mouvement de la danse moderne en leur pays. Agées de 90 à 101 ans, elles témoignent dans Figuring Age, projet composé d’un solo de danse – où Börcsök incarne chacune des trois telle une revenante – et une installation vidéo permettant de visionner les trois entretiens. 

Myriam Soulanges met en jeu son corps de femme antillaise dans Cover [lire notre critique], un solo enragé où cette enfant des Antilles née en France revient sur la domination coloniale et patriarcale ainsi que son histoire familiale. Car toute mémoire du corps est aussi une mémoire culturelle, et c’est d’autant plus vrai quand on se situe dans une histoire de domination collective. Et pour revenir à la mémoire corporelle dansante, voici Marie-Jo Faggianelli qui revisite son solo fondateur, Un cœur réduit à un point. Qui, créé en 1997, évoqua déjà la mémoire et les liens vivants qu’on entretient avec le passé. Que signifie le reprendre aujourd’hui, presque trente ans plus tard ? 

On avait évoqué la thématique des corps empêchés qui participent à Everybody. Mais Alice Davazoglou accepterait-elle cette définition ? Mickaël Phelippeau avait révélé cette danseuse atteinte de trisomie 21 dans le duo De Françoise à Alice. Ensuite, elle avait le désir de chorégraphier. Et le monde de la danse ne s’est pas laissé prier. De Gaëlle Bourges à Alban Richard, de Béatrice Massin à Marc Lacourt et tant d’autres – dont bien sûr Mickaël Phelippeau – les chorégraphes ont accepté avec joie le rôle d’interprète pour Davazoglou qui demande tout simplement pourquoi une personne en situation de handicap ne serait pas chorégraphe. Le résultat est, avec les mots d’Agnès Izrine, « une superbe fête de la danse » [lire notre critique]. Comme les cinq jours d’Everybody, dans leur ensemble et à leur manière. 

Thomas Hahn

Everybody 2025 - Paris, Le Carreau du Temple, du 14 au 18 février

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