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« En fanfaaare ! » de Tatiana Julien : L’entretien.

En amont de la présentation à la Biennale de danse du Val-de-Marne, où elle va créer En fanfaaare ! le  15 mars 2025,  la chorégraphe détaille les enjeux de sa nouvelle création.

Danser Canal Historique : En fanfaaare !  est un titre volontariste et optimiste, comme précédemment Soulèvement  ou encore Une nuit entière. Cette énergie n’est-elle pas l’une des clés  de votre engagement créateur. Et pourquoi inviter les publics dans cette création ?

Tatiana Julien : J'ai toujours eu envie de travailler avec des mélanges de professionnels et non professionnels ou bien avec des publics complices, et ce dans des dispositifs qui sont immersifs, dans la proximité immédiate du public, en cercle ou en bifrontal, pour révéler la présence du public à l'intérieur de l'œuvre et parler d'espaces de théâtre, parler des raisons de faire de l'art. Pourquoi va-t-on au théâtre aujourd'hui encore ? A quel endroit est-ce un endroit de résistance encore aujourd'hui ?
DCH : Comment ces questionnements transcendent-ils En fanfaaare !  ? 
Tatiana Julien : J'ai voulu travailler sur les corps dans la notion de sursaut, une énergie soudaine, maximale et collective, travailler sur l'opposition entre l'inertie, l'inaction, l'immobilité et la mise en mouvement franche. J'ai donc composé une pièce qui parle beaucoup de l’envie des corps d'agir et d’un réveil collectif, de réveiller un monde qui dort. J’imagine un chant partagé qui nous réveillerait tous et toutes en sursaut. D'où le titre En fanfaaare!, tel un réveil qui serait maximal, bruyant, tapageur.

DCH : De quelle manière se construit la relation aux spectatrices et spectateurs ?

Tatiana Julien : Nous intégrons une partie du public au plateau pour immerger ces personnes à 360° dans l'espace de la représentation. C’est la question du lien entre les individus, entre ceux et celles qui bougent et ceux et celles qui reçoivent, qui écoutent. Il s’agit de travailler à leur interdépendance, par une écriture assez sensorielle entre la voix et le corps, entre le champ visuel et le champ sonore, pour parler de la question collective où la question de l'empathie me semble être essentielle.

DCH : Comment faut-il imaginer l’espace dans lequel se déroule cette mise en empathie ?

Tatiana Julien : Le dispositif scénique a été travaillé par Bia Kaysel qui travaille sur les différentes perspectives et points de vue. Le plateau traverse le quatrième mur avec un catwalk qui vient donner une suite de propositions très frontales et qui ne s'adressent qu'au public en frontalité, tandis que le public qui est immergé sur le plateau reçoit une adresse complètement immersive et n'a pas accès, si ce n'est de dos, à ces bouts de pièces donnés pour le public en frontalité.

DCH : Comment avez-vous travaillé l’écriture chorégraphique ?

Tatiana Julien : L’écriture est basée sur l'écoute entre les interprètes. Toute mise en mouvement est ici liée au mouvement de l'autre. Cela se passe soit sous une certaine forme d'unisson, soit sous la forme de réactions en chaîne, d'effet domino, d'effet boule de neige. La matière physique est vraiment liée à un mouvement staccato, un mouvement de réveil, un mouvement de l'effroi. Donc, il y a une charge énergétique assez folle qui part de l'endormissement pour aller à la gesticulation dans tous les sens, qui essaye d'agiter l'espace, de faire bouger les autres. Cette matière fait ressortir des individualités très fortes au sein du groupe !

DCH : Le titre renvoie à la musique, et vous avez travaillé sur un aria très connu, celui de la Reine de la nuit de La Flute enchantée  de Mozart. De quelle manière ?

Tatiana Julien : Mon envie était aussi de partir d'un air que tout le monde connaît, d'un air populaire qui appartient à la culture savante, pour être en mesure de le reconnaître. Cet air-là, composé en staccati, est un morceau de bravoure qui est quasiment impossible à chanter et qui demande une énergie maximale à la  chanteuse. Nous avons travaillé avec la chanteuse lyrique Myriam Jarmache dans l’idée de distribuer de huit à dix personnes sur le plateau pour désosser ce chant et le déformer, le déconstruire, le fragmenter. Mais il s’agit aussi d'émanciper cette figure de femme, la Reine de la nuit, de sa réputation de mauvaise femme. Elle est une femme puissante, et donc forcément dénoncée comme toxique. Car si nous sommes  ici dans une dimension plus symbolique que dans Soulèvement, où le questionnement de la société partait de paroles concrètes,  il y a d’autres langages qui peuvent aussi nous amener vers la chose politique.
Propos recueillis par Thomas Hahn

En fanfaaare !  de Tatiana Julien le Samedi 15 mars 2025, au Théâtre Jean-Vilar de Virty-sur-Seine à 18h.
Dans le cadre de la Biennale de danse du Val-de-Marne

 

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