« Cirque Plume, 40 ans de création et d’aventures circassiennes » de Bernard Kudlak

Presque cinq ans jour pour jour après avoir joué leur dernière à Marseille et plié chapiteau prématurément, la Covid abrégeant la tournée d’adieu qui devait se terminer dans les terres d’origine (96 000 places annulées), Bernard Kudlak, cofondateur et directeur artistique du Cirque Plume, publie un livre construit comme un spectacle. Chronologiquement au cours des créations.

Financé en partie par une campagne de crowdfunding, cet ouvrage splendide, emmène, photo après photo minutieusement choisies parmi une photothèque de plus de 20 000 clichés archivés, dans un nouveau et probablement ultime voyage chez les Plume.

L’auteur n’a pas souhaiter écrire l’histoire du Cirque Plume, mais a préféré « retrouver l’écho et la poésie de nos spectacles dans le livre », partageant des moments forts et intenses au fil des pages. Textes, poèmes, anecdotes, croquis et les innombrables illustrations nous font découvrir l’univers des Plume, du quotidien à la piste, témoignant de cet art de vivre et de créer si particulier à la compagnie franc-comtoise.

« Nous avons réalisé une vie d’art dont on nous disait qu’elle était impossible » écrit Bernard Kudlak en première page du livre. Une utopie rendue possible grâce à une solide amitié ainsi qu’une vision de la vie et du processus artistique partagés dès le départ par le noyau fondateur. Car le Cirque Plume est aussi une sacrée aventure humaine ! Avec comme devise une liberté totale de création, ils réussirent à créer collectivement pendant 40 ans, mettant la relation et le lien au cœur de leur cheminement d’artistes.

Le livre montre aussi les débuts et l’évolution de la troupe, du spectacle de rue au six mâts, du bateleur à l’artiste international. Tout a commencé en fanfare et dans la rue quelque années avant la fondation du Cirque Plume , quand  « … venus de familles ouvrières, on n’était pas invité au festin … » raconte Kudlak qui à 17 ans fut profondément marqué par le film Andreï Roublev de Tarkovski, « ça a tout changé pour moi , je me suis dit qu’au bout de l’obscurité il y a de la lumière ». L’auteur cite aussi Brecht, Beckett, Eliade et Fellini, comme source de désir et d’inspiration.
 

Marginaux, saltimbanques, musiciens avant tout, ils vont découvrir Le Puit aux Images fondé par Christian Taguet , précurseur du nouveau cirque comme le Cirque Bonjour ou le Cirque Aligre suivi de près par Le Cirque de Barbarie – premier cirque exclusivement féminin – et Archaos (entre autres). Mais c’est en 1980, avec La Famille Barbizier, Circus Fatus illimited et la Fanfare Léa Traction, que les neufs membres fondateurs, Bernard et Pierre Kudlak , Hervé Canaud, Michèle Faivre, Vincent Filliozat, Robert Miny, Jean-Marie Jacquet, Jacques Marquès et Brigitte Sepaser se trouvent à jouer à La Falaise des fous, rassemblement mythique au Lac de Chalain (Jura) et véritable manifeste des arts de la rue.

Pour ces artistes autodidactes tout s’enchainera très vite, création en 1983 d’Amour, jonglage et falbalas » joué sous la tente du Théâtre des manches à balais et naissance du Cirque Plume en 1984. La même année, ils quittent la grange de Chay et les couloirs de la MJC de Besançon où ils répètent et achètent leur premier chapiteau à des manouches « on ne savait pas le monter, le résultat ressemblait à une espèce de soufflé » puis Spectacle de Cirque et de Merveilles…  Onze spectacles mémorables, jusqu’à La Dernière Saison, tous joués sous chapiteau mais conçus en frontal pour rendre possible les effets de lumières, l’illusion, et l’univers musical.