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La vraie surprise, par contre, était ce sombre Winterbranch de Merce Cunningham. Dans une pénombre voulue par son créateur – il avait demandé à Rauschenberg d’imaginer que c’était la nuit, avec des phares d’automobiles vous arrivant par intermittence – les danseurs en académiques noir rampent et tombent puis se relèvent, se déplacent et se croisent ou s’agrègent à la façon des « combines painting » du même Rauschenberg (un collage d’accessoires et d’objets hétéroclites) présents d’ailleurs sur le plateau.
L’étrangeté de la pièce qui semble surgir de nulle part, sorte d’œuvre au noir creusée à même le vide, est renforcée par la musique de La Monte Young 2 sounds qui consiste en « un son de cendriers raclant un miroir et un autre produit par des pièces de bois frottées sur un gong chinois. » Les danseurs semblent glisser à différentes vitesses et apparaissent par intermittence, comme si l’on découpait le temps à chaque fois que les mouvements des danseurs émergent du néant. C’est totalement fascinant… mais peut-être un peu difficile pour le public venu pour Millepied qui a commencé par huer avant que les applaudissements ne prennent le dessus.

La dernière pièce, Quintett de William Forsythe qur le célèbre Jesus’Blood Never Failed Me Yet de Gavin Bryars était dansée de façon brillante par les interprètes du LA Project. Un peu trop peut-être ? La mélancolie de la musique et le désespoir contenu dans cette chorégraphie crépusculaire, créée alors que sa femme vivait ses derniers moments, manque un peu à cette interprétation. On ne voit pas ses chutes sempiternelles et ses tentatives de résurrection des corps à travers des étreintes effarées, des essais de fusion aussitôt disloqués, que la pièce pourtant contient jusqu’à une sorte de mise au tombeau sépulcrale qui, ici, n’est pas très lisible. Par contre, Charlie Hodges nous a époustouflé par ses qualités exceptionnelles. Un grand danseur à suivre.

Agnès Izrine

Du 24 au 26 mai 2013 - Théâtre du Châtelet