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Entretien avec Wanjiru Kamuyu
A voir le 24 novembre à L’Onde de Vélizy, des histoires d’immigration par la danse et la langue des signes. Entretien.
Dans An Immigrant’s Story, Wanjiru Kamuyu croise son expérience d’expatriée avec les récits d’autres personnes qui vivent dans un pays d’accueil. Pugnace et espiègle, elle détaille avec humour les situations au quotidien que vivent des personnes comme elle, Africaine-Américaine originaire du Kenya qui vit aujourd’hui à Paris. L’histoire coloniale, le regard des autres sur une personne venant d’ailleurs, les situations cocasses au quotidien…
La chorégraphe livre ses propres expériences et donne à entendre les témoignages et réflexions d’autres expatriés, dont Robyn Orlin qui a soutenu Kamuyu dans sa recherche. Et les costumes qui la révèlent comme autant de couches de son vécu et sa personnalité sont l’œuvre de la Berlinoise Brigit Neppl qui signe tous les costumes des spectacles d’Orlin. Aujourd’hui, le solo se présente sous la forme d’un duo, dans un dialogue entre danse et Langue Française des Signes.
Danser Canal Historique : Jusqu’en 2023 vous êtes artiste associée à L’Onde de Vélizy. Qu’est-ce que cela signifie pour vous en matière de possibilités et d’obligations ?
Wanjiru Kamuyu : C’est un vrai cadeau de pouvoir travailler dans une telle maison, où je me sens soutenue, où je peux répéter et vais surtout créer ma première pièce de groupe, en novembre 2023 suite à plusieurs résidences. Je peux compter sur leur soutien en matière de coproduction et de diffusion. Mais aussi animer des ateliers pour étudiants et enseignants, ce qui me plaît énormément. Je vais également mener un projet avec des amateurs qui vont eux-mêmes créer leur chorégraphie sur le plateau de L’Onde.
DCH : An Immigrant’s Story n’est pas encore une pièce de groupe, mais tout de même aujourd’hui une expérience partagée sur le plateau puisque vous êtes passée du solo au duo.
Wanjiru Kamuyu : An Immigrant’s Story est aujourd’hui un duo entre moi et Nelly Celerine qui danse et signe en étant complètement intégrée dans le spectacle puisque nous avons vraiment creusé la question de rapport entre elle et moi. Nelly est une danseuse, chanteuse et comédienne entendante, mais elle a des amis sourds et a appris la Langue Française des Signes pour pouvoir communiquer avec eux. Quand je l’ai vue signer avec les mains et son visage si expressif, j’ai perçu cela comme une vraie danse car la Langue Française des Signes est d’une grande beauté en raison de son caractère très imagé.
DCH : L’intégration de la LSF ne peut qu’élargir le sens de la pièce, où vous donnez la parole à des personnes qui vivent hors de leur culture d’origine, car les sourds forment eux aussi une communauté à part, même en vivant dans leur pays natal.
Wanjiru Kamuyu : Bien sûr. La LSF a été introduite tardivement, pour une communauté marginalisée et les deux situations ont vraiment des choses en commun, notamment concernant leur altérité et leur désir d’intégration. Ce désir est aussi le nôtre, et grâce à la LSF les non ou mal entendants peuvent suivre les récits de la voix off qui relatent les réflexions d’autres immigrés. Ensuite nous voulions aussi offrir cette expérience aux non ou malvoyants. C’est pourquoi nous proposons aussi des représentations avec audiodescription. Quand j’ai découvert cet outil formidable, je souhaitais absolument l’ajouter à notre duo et je veux désormais que toutes mes pièces soient accessibles en audiodescription !
DCH : On a donc un spectacle avec audiodescription pour non-voyants d’un duo avec LSF pour non-entendants. On ne saurait être plus inclusif !
Wanjiru Kamuyu : Quand nous avons joué An Immigrant’s Story au Quartz de Brest, il y a eu une soirée où vingt-cinq non ou malvoyants sont venus ! J’en étais d’autant plus touchée que ma mère travaillait comme professeur pour un public non-voyant. Nous avons aussi produit une bande-annonce où Nelly explique le spectacle en LSF, ce qui fait réellement venir des spectateurs non ou malentendants.
DCH : En passant du solo au duo avec LSF, avez-vous ajouté ou supprimé des séquences de la chorégraphie ?
Wanjiru Kamuyu : C’est avant tout un bonheur d’être sur scène avec quelqu’un d’autre. Nous avons beaucoup travaillé pour accorder nos énergies et trouver un équilibre. Je n’ai pas modifié le spectacle, mais nous avons beaucoup expérimenté au sujet de notre présence commune et du résultat, Nelly n’intervient pas au début, mais un peu plus tard. Et à la fin du spectacle, je signe un peu moi aussi. J’ai appris un peu de LSF pour l’occasion.
DCH : Comment avez-vous vécu le confinement ? Votre spectacle existe parce qu’on peut – et parfois doit – se déplacer, émigrer et trouver un pays d’accueil, ce qui était soudainement impossible en raison des restrictions des libertés, liées à la pandémie.
Wanjiru Kamuyu : J’ai profité de ce moment pour me pencher sur les récits de spectateurs qui parlent de leurs expériences en tant qu’étrangers ayant quitté leur cultures natales. Ces récits sont à écouter sur le site internet de notre structure de production, CaminAktion. Pendant les confinements, j’ai enfin pu les écouter en profondeur, et c’était un vrai cadeau. Ce temps m’a aussi permis de pousser ma réflexion sur l’objet de cette pièce et ce que je veux vraiment y exprimer. J’en ai aussi beaucoup parlé avec Robyn Orlin qui m’a soutenue dans ma démarche. Le confinement était une sorte de résidence, mais ensuite, quand je suis entrée dans le studio pour la première fois pour créer un mouvement, j’ai comme buté sur un mur. Le fil de l’inspiration était coupé. Il n’y avait ni expositions ni spectacles à voir. J’ai eu la chance d’avoir été emmenée par Jean Gaudin à Micadanses pour recommencer à travailler et en trois jours, la boîte intérieure s’est ouverte.
Propos recueillis par Thomas Hahn
Dans le cadre du temps fort Immersion Danse de L’Onde :
Avec et de Wanjiru Kamuyu accompagnée de Nelly Celerine (danse et LSF)
Avec les voix de Laetitia Ajanohun, Jean-François Auguste, Wanjiru Kamuyu, Dirk Korell, Pascal Beugre Tellier, Smaïl Kanouté, Crystal Petit, Sibille Planques et les témoignages de Tout-Monde
Dramaturgie Dirk Korell
Texte Laetitia Ajanohun
Musique LACRYMOBOY
Coach en LSF Carlos Carreras
Regard extérieur, coaching David Gaulein-Stef
Audiodéscription Julie Compans – Accès Culture
Costume Birgit Neppl
Lumières Cyril Mulon
Scénographie Wanjiru Kamuyu, Dirk Korell
Stagiaire Yvan-Loïc Kamdem Djoko
Remerciements chaleureux à Robyn Orlin et Jean Gaudin
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