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Entretien avec Alexandre Roccoli
Alexandre Roccoli présente Hadra à Instances de Chalon-sur-Saône. Hypnotique et magnétique, le solo Hadra réunit le danseur Yassine Aboulakoul et le DJ compositeur Benoist Bouvot - interview.
Danser Canal Historique : Hadra semble ouvrir un nouveau cycle dans votre travail et en même temps être lié à vos recherches précédentes sur le geste, notamment dans Weaver Quintet et Longing.
Alexandre Roccoli : En effet je viens de terminer un cycle de créations sur les gestes oubliés, et plus particulièrement les gestes disparus de la classe ouvrière, à partir des gestes de mineurs de fond. Mon père était mineur. Ces mémoires anciennes, avec des gestes qui portent toute une vie me passionnent. Je travaille aussi beaucoup en maison d’arrêt et avec des personnes âgées atteintes d’Alzheimer. Je les rencontre en compagnie d’étudiants en danse ou en musique et nous travaillons sur leurs gestes du travail enfouis.
DCH : Dans Hadra, vous travaillez un état de possession, celui des confréries gnawa du Maroc. Existe-t-il un lien avec vos spectacles précédents ?
Alexandre Roccoli : Je veux continuer à recontextualiser ce patrimoine gestuel ancien, dans une transformation qui s’opère par la répétition. Mais en même temps j’ouvre un nouveau cycle. Dans Hadra, il s’agit de possession, comme par ailleurs dans Weaver Quintet, pièce inspirée de la Tarantella. En Italie du Sud, le tarantisme est un rituel de possession suivi par certaines femmes piquées par l’araignée qui tisse le venin en elle. Seules la musique et la danse peuvent faire sortir le venin de leurs corps.
DCH : Quelle forme prend Hadra ?
Alexandre Roccoli : Hadra prend une forme différente selon le contexte et le dispositif donné. La répétition du geste produit un état et l’état amène la forme du spectacle. Comme dans beaucoup de formes de danse, au Maghreb et ailleurs, j’invite ici le public à se placer autour du danseur et de la DJ Deena Abdelwahed pour créer une vraie expérience du spectateur qui entrera dans une sorte d’hypnose, oubliera le temps et sortira dans un état différent. C’est un solo pour le danseur marocain Yassine Aboulakoul qui aboutira par un duo avec son frère, danseur chez Christian Rizzo et Radhouane El Meddeb. Le mot hadra se réfère à la parole ou à une présence forte. Aussi nous interrogeons les puissances de la danse qui existent ailleurs pour les amener dans un dialogue avec notre façon de travailler. Yassine Aboulakoul enseigne par ailleurs le hip hop.
DCH : Vous avez travaillé avec Ariane Mnouchkine, dans le spectacle Tambours sur la digue, mais aussi avec Antonia Baehr, Tino Sehgal et beaucoup d’autres, ce qui ne laisse pas présager votre intérêt pour les états de transe. D’où vient-il ?
Alexandre Roccoli : J’ai beaucoup travaillé dans les after, à Berlin, sur le lien à la transe dans les rave parties berlinoises, en créant la chorégraphie d’un opéra en lien avec le film After Hours de Martin Scorsese. J’essaie de faire glisser ce rapport à la musique techno, la musique de ma génération, dans des rapports plus anciens et des géographies plus lointaines. Quand j’ai commencé ce travail, le milieu de la danse contemporaine me considérait comme un extraterrestre! Aujourd’hui, beaucoup de chorégraphes s’y intéressent.
Propos recueillis par Thomas Hahn
Hadra : 22 novembre à 19h au Festival Instances