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Les Canadiens de June Events
Voir l'ouverture canadienne de June Events ne peut que laisser perplexe. L'esthétique des deux pièces, l'une signée Manuel Roque, l'autre de Daniel Leveillé sont fort différentes mais présentent néanmoins des points communs dont le principal est certainement de vouloir assimiler le corps à la danse dans une sorte de stricte équivalence qui a de quoi nous surprendre. En effet, les deux chorégraphes - si l'on peut dire - semblent plus attachés à une sorte de monstration - voire de démonstration - qu'à une écriture ou même à la construction d'un univers. Non. Dans leur cas il s'agit avant tout de placer le corps au centre de leurs préoccupations sans que, pour autant nous y trouvions du sens autre que le corps.
Chez Manuel Roque son solo Data frise à chaque instant avec le contorsionnisme pour nous faire voir le corps au plus près du muscle, du tendon et de leurs ligaments - ou devrais-je dire lineaments. Le Requiem de Fauré donnant un supplément d'âme à ces torsions, ces éploiements, dans une sorte de topographie toute physique.
Pour autant on est fort loin de cette recherche plutôt prégnante de ce côté ci de l'atlantique qui consiste à derealiser le corps pour en modifier la perception. Pensons par exemple à un Xavier Le Roy ou à une Maria Donata d'Urso. Ou même à se demander à la suite de Spinoza, ce que peut un corps à travers une performance indéniable... Ici on est toujours dans le concret de ce corps, dans sa matière brute, dans son immanence physiologique. De ce fait le rapport au sacré induit inévitablement par le Requiem de Fauré nous interroge car ce qui émane le plus de cette pièce est un sentiment de solitude sans doute voulue par l'auteur parti dans le désert de l'ouest américain pour mieux se trouver. Solitude et focale sur la gymnique du corps est également ce qui semble avoir présidé à la création de Daniel Leveillé Solitudes duo.
Affirmant qu’il ne voulait plus « faire de la belle danse » (lire notre entretien) Solitudes Duo porte la marque de cette esthétique à rebours. Les corps sont ceux, si à la mode outre-atlantique du « dad body », soit un peu enveloppés, sinon avachis, car chez Daniel Leveillé c’est du 100% muscles.
Néanmoins, dans la danse proposée, les jambes ne sont jamais vraiment tendues, les équilibres, jamais vraiment tenus, reste la culture physique qui déploie toute sa panoplie de portés les jambes écartées comme pour un épaulé jeté, les « jetés » justement plus que les « portés » qui précipitent une danseuse en vague arabesque en l’air pour être rattrappée dans la même position, les attrapés de jambe, les cognés, les poussés, les pliés… Le tout en slip, avec tout de même la particularité d’être transparents pour les filles, on se demande bien pourquoi si ce n’est pour conserver ce souci du pas beau, sur des airs de J.S. Bach au clavecin ou des Doors.
De quoi rester un peu pantois.
Agnès Izrine
8 juin 2015 - June Events, Théâtre de l’Aquarium, La Cartoucherie de Vincennes.
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