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Thomas Ferrand : « Une excellente pièce de danse »

 

S’il y avait de la « danse » dans Une excellente pièce de danse, ce serait vraiment trop facile. La délicieuse ironie de Thomas Ferrand en perdrait une part de sa saveur.

On sait que Ferrand est un grand inclassable, tendance metteur en scène tout de même. Un jour, un producteur lui demande sur quoi il est en train de travailler. Pris au dépourvu, il répond : « Une excellente pièce de danse ». C’est ainsi qu’il raconte l’anecdote qui lui a fait trouver le titre de sa toute dernière création, dans laquelle Raphaël Dupin allume son casque telle une torche, en guise d’effet spécial.

 

"Une excellente pièce de danse" @ D.R.

Aussi peut-on voir dans cette création une pièce de danse sans avoir à se tordre. On peut aussi y voir du théâtre de masques, grâce à des visages de cartoon, dessinés sur des feuilles blanches, ou bien du théâtre absurde avec ce vieux clown ou roi déchu, copieusement enfariné, une couronne de papier sur la tête. Barbouillé de rouge et de vert, il se régale aux huitres et au champagne, avant d’allumer un cigare. Un roi à la Ionesco, peut-être le rêve ultime des âmes errantes dans May B de Maguy Marin, ou bien le clown de McDonald’s revu par Rodrigo Garcia. Apparemment il est récalcitrant à la photo. Dommage. On ne sait donc pas si on l’a juste rêvé. Car voilà…

 

 

"Une excellente pièce de danse"@D.R.

Quelques coups de balai, et le plateau est de nouveau vierge, un tas de saletés en contre-bas. Car tout se passe sur un plan incliné mais surélevé et pourvu de trappes. Cette scénographie rappelle les plateaux facétieux de Zimmermann /De Perrot où les scénographies mobiles sont de véritables acteurs. Et comme chez les deux Suisses, on trouve ici un duo fait d’un acteur et d’un compositeur musicien en scène (Jean-Baptiste Julien) qui fonctionne tel un duo de comiques en parfaite symbiose.

Dans tout ce qu’ils entreprennent, ils sont cependant très, très sérieux, sans doute contre leur gré, probablement à la recherche de l’excellence promise un jour à ce producteur... Vient le grand moment où Jean-Baptiste Julien orchestre un concert de cloches et de clochettes de vaches, toutes suspendues au-dessus du plateau. Et cette petite symphonie, tout simplement excellente, est en effet d’une stupéfiante beauté sonore. Stupéfiante et excellente car harmonieuse, sans le moindre accroc, sans aucune perturbation ironique. Stupéfiante, mais emblématique.

 

"Une excellente pièce de danse"@ D.R.

Jamais Thomas Ferrand ne nous dévoile sur quel(s) terrain(s) il veut vraiment nous emmener. Dans chaque direction, il nous permet de faire quelques pas, mais la pièce n’est ni vraiment sale, ni résolument absurde, ni sérieusement critique, ni franchement esthétisante, ni sale en l’assumant. Le ni-ni-ni-ni-ni(hilisme) serait-il l’ultime stade de l’autodérision ?

 

"Une excellente pièce de danse" @ D.R.

 

Ce qu’en dit l’artiste: « Il faut voir cette création comme de la peinture et de la durée. Le temps y est suspendu, les signes y sont perturbés. Du feu, du sexe et quelques théories. C'est un paysage. » A prendre au 2nd degré, au 3e au 4e, sans oublier que pour emplir de théories un paysage, il faut, encore et toujours, des paysagistes. Serait-ce le vrai métier de Thomas Ferrand ?

 

Thomas Hahn

 

Spectacle créé au Théâtre de Vanves, le 28 mars 2014, festival Artdanthé

Mise en scène : Thomas Ferrand

Scénographie : Salladhyn Khatir

Danseur : Raphaël Dupin

Son Jean-Baptiste Julien

Régie et construction : David Thébaut

 

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