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Soirée d’Adieux de Brigitte Lefèvre à l'Opéra de Paris

Soirée ô combien spéciale, Brigitte Lefèvre avait choisi de faire ses adieux sur ce programme Lander / Forsythe, flanqué du Défilé, sorte de raccourci de sa carrière à l’Opéra de Paris, qui dit combien elle fut attachée, en tant qu’élève, danseuse ou directrice de la danse, à l’écriture de l’art chorégraphique, à sa rigueur, à sa beauté, mais aussi son affection indéfectible pour le Ballet en tant que troupe.

Dorothée Gilbert, Karl Paquette et Josua Hoffalt dans "Etudes"

En filigrane, on peut lire aussi tout l’apport de son mandat qui a permis au Ballet d’évoluer de Lander à Forsythe – car n’oublions pas que Pas./parts et Woundwork qui composent ce programme sont des commandes de Brigitte Lefèvre ( comprenant égalementThe Vertiginous Thrill of Exactitude avec la reprise d’In the Middle Somewhat Elevated pour composer une soirée entière) - avec la même maîtrise et le même éclat, ce qui n’est pas donné à n’importe quelle troupe, d’autant que dans Pas./Parts, de jeunes membres du Corps de ballet sont mis au même rang que les étoiles.

"Pas./Parts" Laurène Levy - Lydie Vareilhes@ Sébastien Mathé / Opéra national de Paris

Mais on distingue également dans cette soirée, son obstination à conserver ce qui fait l’essence même de l’Opéra de Paris – cette fameuse « École française » - tout en invitant à créer pour le Ballet les plus grands chorégraphes actuels, qu’ils soient classiques, néoclassiques ou tout à fait contemporains, disons de Roland Petit à Jérôme Bel en passant par Kylian, Mats Ek, Pina Bausch, Preljocaj ou Anne Teresa de Keersmaeker – ainsi que WilliamForsythe, bien sûr !

"Études" Dorothée Gilbert @ Sébastien Mathé / Opéra national de Paris

Voilà pour le raisonnable. Pour le sentimental, on ne pouvait qu’être touchés par cette petite Suite de danses réglée par Pierre Lacotte pour les élèves de l’école de danse dans laquelle la petite Brigitte fit ses premiers pas sur scène, et surtout par Aunis, petit chef-d’œuvre à teneur autobiographique de Jacques Garnier, son compagnon de danse, créé en 1979 au théâtre du Silence qu’ils avaient dirigé de concert pendant une vingtaine d’années après avoir quitté ensemble l’Opéra de Paris. (http://dansercanalhistorique.com/2014/10/11/aunis-de-jacques-garnier/). Très bien dansé par Pablo Legasa, Julien Guillemard et Paul Marque, on ne pouvait qu’avoir un pincement au cœur en reconnaissant les musiciens Christian Pacher et Gérard Baraton qui jouent cette pièce depuis sa création.

Mais, pour revenir au programme, celui-ci débutait par les deux pièces de William Forsythe, Woundwork 1 et Pas./Part.

Ces deux « ballets » utilisent certes, le vocabulaire classique. Mais de façon très différente.

"Woundwork1" Aurélie Dupont - Hervé Moreau @ Sébastien Mathé / Opéra national de Paris

Woundwork1, est un quatuor dansé par Aurélie Dupont, Laetitia Pujol, Mathieu Ganio et Hervé Moreau. Avec son départ en première position, on pourrait presque croire à une version radicalisée et contemporaine d’Études d’Harald Lander qui commence dans la même position. Et, d’une certaine façon, tous les deux vont décliner les figures attachées à ce vocabulaire de base du classique.

"Woundwork 1"Laëtitia Pujol - Mathieu Ganio@ Sébastien Mathé / Opéra national de Paris

Mais, si le second développe son propos en s’attachant surtout à la progression du cours et à la virtuosité des figures, Forsythe, lui, s’en sert plutôt comme d’un pilier, d’un point fixe, autour duquel vont se greffer une sorte de sphère de mouvements instables du haut du corps qui croisent et décroisent, nouent et dénouent, les bras, les bustes et finalement les deux couples, dans des vrilles et des entrelacs sans fin. Merveille du contrepoint, ils se rejoignent à des moments inattendus, reprenant une vague allure académique, avant de repartir sur leurs lignes tournoyantes, et se réunir de nouveau en s’intriquant d’avantage avant de se dénouer pour finir chacun en cinquième position. C’est presque un miracle de composition, que les quatre étoiles font vibrer de leurs présences singulières.

"Pas./Parts" Jérémie Bélingard @ Sébastien Mathé / Opéra national de Paris

Pas./Parts quant à lui, pousse le vocabulaire jusqu’à ses limites. Le principe est simple : Un pas, des figures. Ou plutôt, vingt séquences courtes aux configurations variées, du solo à l’ensemble. La particularité étant qu’il n’y a aucune hiérarchie dans ce ballet. Et outre les étoiles que sont Marie-Agnès Gillot et Jérémie Bélingard, on aura remarqué Laurène Lévy et Lydie Vareilhes, Eve Grinsztajn, Aurélien Houette Sébastien Bertaud ou Audric Bezard qui n’hésitent pas et se lancent avec fougue dans des positions hasardeuses au risque du déséquilibre, dans des duos d’une célérité confondante, des désarticulations aussi vertigineuses que stupéfiantes. Le final, d’une énergie à couper le souffle achève l’ensemble comme un vrai feu d’artifice dansant.

"Études" Dorothée Gilbert - Josua Hoffalt @ Sébastien Mathé / Opéra national de Paris

Études qui clôturait la soirée avant le majestueux et néanmoins martial Défilé, pour être plus académique n’est pas moins ardu que les chorégraphies de William Forsythe. Avec ses jeux de lumières, ses exercices à la barre, et sa façon d’égréner les difficultés d’un cours, ce ballet est une sorte de challenge pour tous les danseurs qui l’ont dansé. Tout doit être parfait, contrôlé, maîtrisé au dernier degré, même dans les variations qui sont parmi les plus compliquées du répertoire et certaines scènes de groupe, comme ces fouettés exécutés par un chœur de danseuses.

"Études" Karl Paquette @ Sébastien Mathé / Opéra national de Paris

Mais ce ballet, non sans malice, ne retrace pas seulement la progression d’une leçon, mais aussi l’histoire du ballet, des cinq positions définies par Beauchamp sous Louis XIV, aux variations quasi néo classiques (Variation de la Ballerine, Mazurka et Tarentelle) en passant par l’académisme de Petipa. Dorothée Gilbert domine l’ensemble avec un applomb sans faille, auquel s’ajoutent du charme et du style

Après le Défilé, les adieux de Brigitte Lefèvre furent aussi simples qu’émouvants. Sous la pluie de paillettes traditionnelle, on ne comptait plus les étoiles, les danseurs et les chorégraphes, d’hier et aujourd’hui, les machinistes, les techniciens, les collaborateurs et les amis venus la rejoindre sur le plateau.

Les adieux de Brigitte Lefèvre @ Sébastien Mathé / Opéra national de Paris

Dernier salut en compagnie de Benjamin Millepied comme pour passer le flambeau. Pas étonnant pour la future ex-directrice qui a toujours su conjuguer héritage et transmission.

 

Si, dans la salle, de nombreux ministres étaient présents, notamment le premier d'entre eux, Manuel Valls et le ministre de la Culture actuel  Fleur Pellerin, mais aussi, Frédéric Mitterrand, Christine Albanel, Renaud Donnedieu de Vabres, la soirée s’est terminée par les discours de Stéphane Lissner et Fleur Pellerin, et par un hommage appuyé de Brigitte Lefèvre à Hughes Gall, avant une flash-mob sur le tube de Donna Summer Last Dance.

Fleur Pellerin- Ministre de la Culture et de la Communication-, Brigitte Lefèvre, Philippe Jordan,
Manuel Valls -Premier Ministre @ Sébastien Mathé / Opéra national de Paris

Toujours est-il que ce ne sera pas vraiment la dernière danse, pour Brigitte Lefèvre, d’ores et déjà nommée directrice du Festival de danse de Cannes.

Agnès Izrine

Opéra Garnier, le 4 octobre 2014.

La soirée est à revoir sur Culture Box, mais sans les deux pièces de Forsythe, ni le Défilé qui ne sera disponible que le 8 novembre prochain :

http://culturebox.francetvinfo.fr/festivals/fetez-la-danse-avec-le-ballet-de-lopera-de-paris/video-revoir-la-soiree-de-ballets-a-lopera-de-paris-190599

Par ailleurs, un portrait de Brigitte Lefèvre est programmé le 8 novembre prochain sur FR3

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