Error message

The file could not be created.

Serge Lifar, Roland Petit, au Ballet du Capitole

Serge Lifar serait-il à la mode ? Il n’y eut longtemps que l’Opéra de Paris pour montrer encore quelques-unes des 200 œuvres créées par un chorégraphe qui régna en maître sur le Ballet du Palais Garnier, des années 1930 aux années 1950. Or voilà que le Ballet de Nice remontait Suite en Blanc il y a deux saisons, et que celui de Bordeaux donne cet automne un programme entièrement consacré à Lifar danseur et chorégraphe. Au même moment, à Toulouse, le Ballet du Capitole inscrit Les Mirages à son répertoire dans une soirée complétée par Les Forains, œuvre de jeunesse d’un autre chorégraphe important du néo-classicisme hexagonal, Roland Petit. Cet engouement pour Lifar est sans doute l’un des effets induits par la nomination à la tête de ces maisons de province d’anciens danseurs de l’Opéra de Paris, Charles Jude à Bordeaux, Eric Vu-An à Nice et Kader Belarbi à Toulouse. Ils transportent dans leurs bagages le répertoire de la maison mère, qui prend racine dans les opéras régionaux.

Davit Galstyan (Le Jeune Homme) et Julie Charlet (L'Ombre) @ Francette Levieux

Il ne manque pas un bouton de costume à la reconstitution toulousaine des Mirages, qui se veut la plus fidèle possible à l’original. Monique Loudières, étoile de l’Opéra de Paris, et Fabrice Bourgeois, sujet, ont transmis aux danseurs du Capitole leur connaissance personnelle du style Lifar. Mademoiselle Claude Bessy qui, avant de devenir la directrice de l’École de l’Opéra que l’on sait, fut l’une des étoiles préférées du maître franco-ukrainien, est même venue « conseiller » les troupes toulousaines. Dans les décors et les costumes qu’avaient imaginés Cassandre pour la production originale, la production respecte la lettre et l’esprit d’une œuvre fascinante par la variété de ses atmosphères et le sens mystérieux de son argument. Construite sur une suite de scènes alternant tristesse lugubre et gaieté effrénée, Les Mirages exige de tous ses interprètes qu’ils soient des solistes d’exception, tant techniquement qu’artistiquement. Le Ballet du Capitole compte plusieurs solistes capables de relever ce défi, dont Maria Gutierrez et Julie Charlet qui interprètent l’Ombre dans chacune des deux distributions. Davit Galstyan peut s’appuyer sur sa virtuosité pour enlever les variations du Jeune Homme, et la nouvelle recrue, Avetik Karapetyan, apporte sa technique parfaite et son élégance naturelle à ce rôle, même s’il n’a pas encore totalement intégré les nuances du style lifarien. La troupe dans son ensemble se plie à l’indispensable discipline de plateau qui permet d’obtenir le fini sans bavure des chorégraphies de Lifar. Le maître est respecté, l’œuvre parfaitement reprise.

"Les Forains" par le Ballet du Capitole de Toulouse @ Francette Levieux

En 1945, Roland Petit chorégraphe fait une entrée remarquée sur la scène parisienne avec Les Forains, monté en quelques jours avec plus de foi que de moyens. Une foi qui avait soulevé des montagnes puisque le chorégraphe de vingt et un ans s’était adjoint la collaboration d’artistes aussi connus à l’époque que Christian Bérard (décors et costumes), Henri Sauguet (musique) et Boris Kochno (livret). Dans cette pièce à la fraîcheur baignée de mélancolie, chacun des dix interprètes est à son tour soliste dans une série de variations courtes et vives, drôles (le clown, les sœurs siamoises), oniriques (la belle endormie, Loïe Fuller) ou acrobatiques (l’acrobate, la petite fille). La technique passe au second plan, derrière la peinture d’un motif artistique récurrent du XXe siècle, le monde du cirque et de la foire. La production du Ballet du Capitole respecte la simplicité d’exécution, voire la maladresse, requises pour exhaler le parfum nostalgique de la pièce. Dans la fosse, sous la baguette jubilatoire de Philippe Béran qui dirige l’orchestre du Capitole, la musique de Henri Sauguet raconte à elle seule l’histoire, comme peut le faire une bande-son au cinéma. Avec le programme Les Mirages-Les Forains le ballet toulousain rend un hommage réussi à l’art chorégraphique de l’après-guerre, encore si marqué par les schémas créatifs hérités des Ballets russes.

Dominique Crébassol
Le Capitole, Toulouse, 22 octobre 2014

Lire aussi notre entretien avec Kader Belarbi au sujet de ce programme : http://dansercanalhistorique.com/2014/10/29/entretien-kader-belarbi/

Catégories: 

Add new comment