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Monica Casadei : La Doppia Notte

Richard Wagner est né en 1813, et Giuseppe Verdi aussi. Tout au  long de l’année 2013, ce double bicentenaire donne lieu à beaucoup de spectacles commémoratifs, même en danse. Mais une seule chorégraphe s’est lancé le défi de réunir Verdi et Wagner dans un seul spectacle. La Doppia Notte de Monica Casadei est une plongée dans les ambiances nocturnes d’Aïda et de Tristan. Sous la direction du chef d’orchestre allemand Felix Krieger, un fin connaisseur des deux univers, on passe de l’inspiration celte à l’autre, égyptienne, et comme dans un rêve, les deux univers s’enlacent harmonieusement.

Le compositeur Claudio Scannavini a créé une dramaturgie musicale qui rend possible cette entente transalpine entre deux compositeurs qui, de leur vivant, ne s’appréciaient guère. Et il s’avère que les compromis faits en vue de cette étreinte musicale sont étonnants. Scannavini se passe du chant et les deux opéras deviennent musiques de ballet, et parfois on ne sait plus dans quel univers on se trouve, si bien Wagner est-il ici adapté au tempérament italien qui préfère la fluidité, le glissando et les hauteurs aériennes aux sombres paysages mythologiques. Mais ils ont raison, surtout quand la création se fait à Bologne, en Italie : mieux vaut un Wagner à l’italienne qu’un Verdi Bayreuth-compatible. Wagner n’est-il pas mort à Venise, alors que Verdi n’était en rien attiré par les villes germaniques ?

Sur cette mer agitée, entre les vagues wagnériennes et une Aida bousculée, voilà en fond de scène des photos d’ambiance représentent ces zones de transition entre terre et mer, jour et nuit, le conscient et l’inconscient. Elles sont l’œuvre de Fabian Albertini, photographe d’origine italienne qui travaille au Brésil. Très méditatives, elles contrebalancent l’agitation sur le plateau. Les danseurs semblent être poussés par une urgence qui ne tolère aucun répit. Les sauts peuvent devenir violents et grotesques, les solos furieux. Chaque bras s’agite comme pour mieux se convaincre d’exister, et les musiciens ne sont pas en reste. Le tonus de l’orchestre semble inspiré par l’énergie débordante des interprètes d‘Artemis Danza, la très belle compagnie de Monica Casadei.

Il faut attendre le tableau où Aïda, à elle seule, repousse les gardes auxquels elle tient tête, pour que les forces s’équilibrent et se stabilisent pour la première fois. Cette scène annonce les images de la fin qui signent un réveil de la conscience et du réel, comme à la sortie d’un rêve agité. Les tableaux de groupe sont alors somptueux, alors que les danseurs ne cachent plus leur épuisement physique et offrent des moments de vérité éblouissants.

Casadei fait ici un travail épatant sur la scénographie, l’organisation spatiale et le spectaculaire, mais se perd quelque peu dans la précipitation. La tournée du spectacle à Moscou et en Pologne fera-t-elle découvrir aux protagonistes les vertus des respirations entre les accents toniques ?

Thomas Hahn

Tournée :

le 20 octobre Moscou, Théâtre Na Strasnom

le 14  novembre Chicago, Reva and David Logan Center for the Arts

le 16 novembre à Los Angeles, Théâtre Raymond Kabbaz (Theatre francais)

le 30 novembre à Krakovie, Théâtre de l'Opéra

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