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L'Oiseau, le Faune et le Boléro

Soirée Béjart/Nijinski/Robbins/Cherkaoui-Jalet à l’Opéra de Paris

Parangons de la musique moderne au début du XXe siècle Stravinsky, Debussy et Ravel nous offraient, pour cette soirée à l’Opéra, leurs plus grands « tubes » dus, d’ailleurs, à leur collaboration avec les Ballets russes. Il est à cet égard amusant de constater que ces œuvres, qui créèrent le scandale ou la surprise en leur temps, sont devenues les partitions parmi les plus prisées du siècle et d’une certaine façon les plus aptes à devenir populaires. En témoigne la multitude de versions chorégraphiques créées de par le monde.

 

Le Boléro, est, à cet égard, le chef-d’œuvre le plus joué et même galvaudé de la planète musicale. Difficile donc de s’en emparer pour créer du jamais vu. C’est pourtant ce que Sidi Larbi Cherkoui, Damien Jalet et Marina Abramovic ont réussi. S’emparant du rythme lancinant et tournoyant de la partition de Ravel, ils en ont convoqué les forces obscures, de celles qui puisent aux racines de l’humanité. Le tournoiement n’est-il pas à l’origine de toutes les danses ? Portés par une scénographie somptueuse de Marina Abramovic qui relie les ténèbres au ciel et la terre à la vie, les danseurs tournent et s’enroulent dans d’infinies spirales, virent et tourbillonnent, précipités de l’autre côté du miroir dans un élément inconnu, ni air, ni eau, où s’opère une sorte de superconductivité des corps, à chaque tour plus fluides, plus rapides, plus légers. Dans ce monde étrange, les cercles n’ont pas de centre et la chorégraphie, une gravité perturbée qui fait s’envoler les chutes. Les danseurs sont emportés dans ce maelström sans fin, happés par un vortex sombre d’où fusent des éclairs, tandis qu’imperturbables s’enchaînent tours et portés soulignés par les superbes costumes de Riccardo Tisci et les lumières d'Urs Schonebaum. Électrique et cosmique, l’avenir dira si cette version du Boléro arrive à la hauteur de celle, mythique de Maurice Béjart.

Ce dernier était aussi au programme avec un autre ballet : l’Oiseau de feu. Jouant également sur le cercle comme figure de l’égalité et de la solidarité, cet Oiseau qui porte le flambeau de la révolution et les marques d’une époque contestataire (il a été créé en 1970) n’a rien perdu du feu de ses débuts.

La soirée, qui ne manque pas de cohérence et de correspondances présentait également deux versions du Prélude à l’après-midi d’un Faune. Celle de Nijinski, où Nicolas Le Riche excelle, et où la modernité sensible de la chorégraphie sidère à chaque fois. Et l’Afternoon of a Faun de Robbins qui réunit deux danseurs face à un miroir, imaginaire celui-là.

Si dans la version de Nijinski, l’érotisme est souligné, dans celle de Robbins, il est surtout rêvé.

Eleonora Abbagnato (tout juste nommée Étoile) et Hervé Moreau ont la grâce pour eux et savent manier avec délicatesse cette œuvre finalement très ambiguë quant au trouble du désir.

 

En quelque sorte, la boucle est bouclée, de ce voyage qui, prenant la figure emblématique du Boléro fait un tour, (au sens propre comme figuré) dans les œuvres qui ont marqué le XXe siècle de leur modernité.

Agnès Izrine

Du 2 mai au 3 juin 2013 - Opéra Garnier

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