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« Ainsi parlait… » de Frédérick Gravel et Étienne Lepage

Quel curieux spectacle que cet Ainsi parlait… inclassable à souhait, et même insensé, si l’on s’attache à trouver du sens dans les mots et les actes qui émanent du plateau. Et pourtant, impossible d’en faire l’économie. Débutant comme si les interprètes vous avaient invité dans leur quotidien, le spectacle démarre presque à votre insu. On se retrouve vite plongé dans une succession de scènes où corps et texte se rencontrent, s’entrechoquent alors que les pensées filent et se dispersent à grande vitesse. Il y est question d’avoir « jeté l’argent par les fenêtres de la beauté » ou de « faire l’effort de s’élever » ou « d’être des privilégiés » en venant voir ce spectacle. Les monologues s’enchaînent, Jimmy Hendrix se déchaîne - sur la bande-son.

"Ainsi parlait"©Nadine Gomez

 

À chaque moment qui passe, on franchit un cran dans le discours, suscitant pas mal de rires et un vague malaise. Car ce qui est dit, est dit.  Même si ce n’est pas franchement de la philosophie nietzschéenne, ça finit par remuer nos neurones. J’m’en fous de ce que vous pensez, de ce à quoi vous croyez, si vous êtes racistes, sexistes, féministes… Si le mouvement – et Frédérick Gravel ne revendique pas un autre un autre titre que celui-ci – ne s’accorde en aucun cas à la parole, il laisse voir, par contre, ce que le texte ne dit pas, soit une désorganisation complète des conventions qui passe par des corps maladroits, fragiles, qui se heurtent ou se déhanchent jusqu’à se tordre, jusqu’à avoir l’air bancal.

 

Anne Thériault dabs "Ainsi parlait..." ©Nadine Gomez

 

 

Les phrases, quant à elles, restent « droites dans leurs bottes » pour dire tout haut ce qu’en général on ose à peine dire tout bas. Avec l’accent québecois en prime. Genre : « J’suis un trou d’cul. » comme on déclamerait être ou ne pas être (un trou d’cul). Ou : « Parfois, ben y’a des shows, c’est vraiment d’la marde. Je fais tout ce que je peux pour me dire wow, mais des fois, c’est juste de la marde. »

 

Les rires fusent de la salle. Ça pourrait faire démago. Mais le discours s’en va ailleurs, les gestes aussi et surtout les postures qui décalent le propos. Un homme est victime d’une agression sexuelle perpétrée par une femme. On parle d’argent, de salaires, de travail et même de culture générale («Vous savez qui est Staline ?») . Restant au bord d’une revendication sociale, voire socio-politique, avant que l’on vienne nous expliquer comment « explorer son espace arrière » avec des mouvements qui prennent en compte l’avers de la face – dans une gestuelle aussi bizarre qu’absurde. Le rapport ? À vous de voir ! Ni Frédérick Gravel, ni Étienne Lepage ne vous mâcheront le travail d’un prêt à penser.

Éric Robidoux dans "Ainsi parlait..." ©Nadine Gomez

Tout le spectacle oscille entre un burlesque plutôt inconnu ici, et une justesse de ton assez fascinante, entre une légèreté (Nietzschéenne, pour le coup !) et la bonne franquette, entre le non-sens et le plus que réfléchi, comme dans ce solo où il est question de justice et d’injustice. Ces voix nous racontent nos vies, un brin de sensualité en plus, sans doute, qu’à l’ordinaire, nos choix, et mettent en perspective ce que peut être un texte, ce que peut être le théâtre – ou la danse – ou même ce que nous pourrions être, si, de temps en temps, nous acceptions de nous perdre de vue.

Agnès Izrine

Théâtre de la Bastille, Paris, du 13 au 18 octobre à 21h. http://www.theatre-bastille.com/saison-13-14/les-spectacles/ainsi-parlait

Texte Étienne Lepage Chorégraphie Frédérick Gravel Directeur technique Armando Gomez Rubio Lumières Frédérick Gravel Environnement sonore Stéphane Boucher Costumes Elen Ewing
Interprètes : Frédéric Lavallée, Daniel Parent, Marilyn Perreault, Anne Thériault


À vous d’écrire ! Autour de Ainsi Parlait....
(en mangeant des madeleines)
avec Blandine Bricka (formée à l’Aleph)

Les mots dansés
Samedi 18 octobre de 14h à 17h30

Tarifs -ateliers d’écriture : 10 € pour tous,

Conditions
- ateliers ouverts à partir de dix inscrits
- chaque participant doit assister au

spectacle avant l’atelier

Renseignements et inscriptions
auprès de Nicolas Transy

01 43 57 57 17
nicolas@theatre-bastille.com


 

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