« IO » de Né Barros et « Ruptures » de Bouziane Bouteldja
Deux magnifiques pièces aux thèmes puissants au Parvis de Tarbes.
Chorégraphe, danseuse et cofondatrice du Balleteatro de Porto, Né Barros signe un ouvrage singulier. IO est le premier volet d'une série née en 2019 intitulée Paysages, Machines, Animaux.
Sur le sol du plateau un parfait triangle de poudre blanche compose une scénographie extrêmement pure. C’est tout d’abord dans cet espace que Beatriz Valentim et Bruno Senune interprètent une chorégraphie dont les corps expriment un coté sauvage et animal. Accompagnés en direct par le saxophoniste Henrique Portovedo, les deux excellents danseurs se lancent dans une joute où la femme évoque son indépendance et sa puissance. Le son du saxo baryton apporte une sublime voix supplémentaire à cette dualité.
Une danse très souple, un jeu des corps parfaitement maitrisé alors, qu’en s’éloignant du triangle, les interprètes étalent cette étrange poudre. En décollant le scotch qui définissait la figure géométrique, Beatriz Valentim l’élève au dessus d’elle et fait apparaitre une parfaite pyramide.
Une pièce étrange, envoutante, très esthétique qui interroge sur le rapport homme/femme avec une note très personnelle de la chorégraphe portugaise.
Cette première partie de la soirée est suivie par Ruptures, la création très attendue de Bouziane Boutledja, chorégraphe de la Cie DANS6T installée à Tarbes et qui fête ses 20 ans.
Avant le début de la pièce, les 6 danseurs déposent de la terre avec un tamis sur le plateau. Une action très parlante qui définie les lieux désertiques où vont se dérouler les histoires de ces hommes et ces femmes.
Sous les lumières très étudiées de Cyril Leclerc, apparaissent les interprètes. L’un d’eux se lance dans des tours en équilibre sur une main en provoquant un tourbillon de poussière. Splendide image ! Puis, alors que tous bougent rapidement les bras, les éclairages découpent ces mouvements comme si les danseurs désiraient s’envoler.
Qui sont-ils, où veulent-ils aller ? Petit à petit, se dessine l’existence de migrants, les déplacements de populations pour échapper à l’horreur de la guerre, à la famine… Leur objectif est de partir, d’abandonner le vide… tout cela est magistralement bien expliqué par le biais de déplacements et d’actions dansées limpides.
Chacun est seul, mais chacun sait aussi qu’il ou elle peut être soutenu.e par ses partenaires d’errance. De tremblements de panique à la fulgurance de jets d’eau qui sont soit le bonheur de trouver enfin de la fraicheur sur cette terre hostile, ou qui, plus dramatiquement, expriment l’enfer d’être repoussés par l’armée d’un pays refusant qu’ils foulent une nouvelle terre. Les artistes jouent leurs rôles avec une remarquable intériorité.
La terre transformée en boue n’est pas leur alliée, cependant, ils n’hésitent pas à se rouler au sol, à courir pour fuir….
Galerie photos © Gilles Rondot
Dotés d’une très forte personnalité, Mathilde Rispal, Clara Henry, Alison Benezech, Med Medelsi, Nais Haidar et Zineb Boujema révèlent la détresse, la peur, la terrible patience, la colère, le doute, l’humiliation et enfin la libération et l’euphorie sur la création musicale de Le Naun.
Avec une distribution internationale, marocains, algérien et français, Bouziane Bouteldja, s’interroge très intelligemment sur le déplacement de ces millions de gens poussés par l’espérance d’une vie meilleure. Le chorégraphe dessine une magnifique pièce empreinte de dignité et très puissante où l’émotion, la sensibilité et le raffinement du mouvement ne sombrent jamais dans le pathos.
En mariant le hip-hop avec des bases de danses traditionnelles et une dramaturgie ciselée, Ruptures touche l’âme et le cœur.
Sophie Lesort
Spectacles vus le 4 décembre 2021 au Parvis (Tarbes)
Ruptures
Chorégraphie : Bouziane Bouteldja
Interprètes : Mathilde Rispal, Clara Henry, Alison Benezech, Med Medelsi, Nais Haidar, Zineb Boujema (et en alternance Romane Piffaut)
Assistance chorégraphie : Alison Benezech
Création musicale : Le Naun
Lumières : Cyril Leclerc
Scénographie : Clément Vernerey
En tournée : 28 janvier 2022 au Théâtre Edwige Feuillère de Vesoul : 5 février à l’Astrada à Marciac ; les 20 & 21 avril à le Friche de la Belle de Mai à Marseille.
IO Direction et chorégraphie : Né Barros
Musique : José Alberto Gomes
Interprètes : Beatriz Valentim et Bruno Senune
Saxophoniste : Henrique Portovedo
Conception lumière : José Álvaro Correia
Scénographie et costumes : Flávio Rodrigues et Né Barros
Assistance chorégraphique : Flávio Rodrigues
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