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Wayne McGregor : « Autobiography »

Avignon 2019 : ADN de soi ou de l’œuvre?

Wayne McGregor fait du McGregor et « Autobiography »ne surprendra pas ceux qui connaissent le chorégraphe qui s’aventurait pour la première fois à Avignon. Mais accompagnée d’une glose préalable pompeuse, la pièce pèse…

Pour Autobiography de Wayne McGregor, le spectateur est sommé de connaître le mode d’emploi. Donc savoir que le chorégraphe a « demandé à des chercheurs d’analyser son propre ADN. Il a ensuite mis en lien chacune de ses vingt-trois paires de chromosomes avec un des aspects de sa vie ». Puis que « vingt-trois fragments, choisis aléatoirement chaque soir par un algorithme, reproduisent les vingt-trois paires de chromosomes du génome humain ». Savoir aussi que « Wayne McGregor tente de répondre dans cette pièce créée en 2017 à la question « Quelle empreinte laisse le mouvement dans notre ADN ? » en « prenant son propre corps comme objet d'étude et de perspective »… Et cet impératif est catégorique.

Galerie photo : Laurent Philippe

Car le spectateur ne voit, en général, qu’une fois le spectacle. Et rien ne lui signale particulièrement que le mot qui apparaît sur l’écran au-dessus de la scène désigne la section qui va suivre d’après la fameuse séquence ADN et surtout que l’ordre de présentation varie pour chaque représentation. Il ne mesure pas plus que la « séquence » d’ouverture ne change pas plus que la dernière afin de « décrire la naissance et la mort avec une idée de cycle ». Surtout, il n’appert pas d’évidence qu’il existe un quelconque rapport entre la gestuelle et la mémoire, l’ADN ou quoi que ce soit. Il faut lire le mode d’emploi plutôt que le plateau.

Galerie photo : Laurent Philippe

Or sur le plateau, il y a dix interprètes qui maîtrisent admirablement leur technique. Mais ce mouvement toujours envoyé à la vitesse maximum, ces levers de jambe à décrocher la lune, ces contorsions à faire passer le cirque de Pékin pour un club de gym amateur, ces patterns qui fleurent leur post-Forsythe en version excitée et un port de bras qui soudain empreinte le maniérisme d’un émule des arts martiaux passé chez Michou : tout cela ne semble pas avoir à voir avec la mémoire du corps ou la mémoire tout court. D’autant que, d’une section à l’autre, dans le mouvement de tel ou tel de cette compagnie de virtuoses époustouflants, il semble bien que, à moins que l’on se trompe, cela se répéterait bien un peu de temps en temps. Et que l’on a déjà vu cela chez ce même chorégraphe.

Galerie photo : Laurent Philippe

Si Wayne McGregor « explore les secrets de la génétique », celle-ci bégaie apparemment et cette « recherche de la mémoire du corps inscrite dans le séquençage [du] génome » de son concepteur tient surtout de l’application de recettes gestuelles éprouvées que les interprètes maîtrisent à la perfection. Sur ce travail de mémoire inscrit dans le corps, celui des interprètes autant que du chorégraphe, il existe d’autres moyens sensibles et qui recourent au mouvement et non à un appareil de discours assez pédant et indiscernable au plateau… Le Another Look at Memory (2017) de Thomas Lebrun en témoigne (lire notre critique).

Galerie photo : Laurent Philippe

Le mouvement énervé et énervant de Wayne McGregor ne diffère en rien de tout ce que le chorégraphe nous a déjà servi. Certes, l’écrin fait impression : somptueuse scénographie et lumière signée respectivement de Ben Cullen Williams et de Lucy Carter qui découpent l’espace en rais de lumières ou qui écrasent le mouvement quand, des cintres, un appareil de tubes et de pyramides inversées autant qu’agressives descendent jusqu’à en contraindre les danseurs à la reptation. Le résultat brille d’un éclat sombre, d’une esthétique fuligineuse car la pièce use avec insistance de toute les ressources des machines à fumée… Et l’on n’y trouvera guère d’émotion à moins de lire et de croire fermement au mode d’emploi. Ou pas.

Philippe Verrièle

Le 18 juillet 2019, Cour du Lycée Saint-Joseph / Avignon IN

Distribution
Avec Joshua Barwick, Rebecca Bassett-Graham, Camille Bracher, Jordan James Bridge, Izzac Carroll, Maria Daniela González, Chien-Shun Liao, Jacob O'Connell, Daniela Neugebauer, Po-Lin Tung
Conception Wayne McGregor
Chorégraphie Wayne McGregor en collaboration avec les danseurs de la compagnie
Musique Jlin
Scénographie, projection Ben Cullen Williams
Lumière Lucy Carter
Costumes Aitor Throup
Dramaturgie Uzma Hameed
Algorithme Nick Rothwell

 

 

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