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« Variation(s) » de Rachid Ouramdane

Une création formidable qui réunit deux collaborateurs de longue date de Rachid Ouramdane pour une plongée dans l’essence de la danse.

Aux prémices de Variation(s), il y a cette phrase de Fernand Schirren citée par Rachid Ouramdane « Essayez de repérer la différence dans le même. » Professeur de rythme à Mudra et génie de la percussion, Schirren a été une sorte de mentor pour Anne Teresa De Keersmaeker comme pour Maguy Marin, Rachid « a eu la chance de le rencontrer » dans sa formation. Son apport a certainement été d’initier ce regard très analytique sur la chorégraphie permettant à ces grands artistes de construire une écriture où la gestuelle devient la matière d’une structure forte et non plus le sujet. Au fond, c’est le propre d’un langage, qu’il soit littéraire, musical ou… dansant. Et bien sûr, c’est à partir de là et comme de surcroît, que peut jaillir l’émotion.


Au-delà, la phrase est le principe même de la musique ou de la danse dite « répétitive », mais qui permet justement de mettre en exergue la syntaxe et toutes ses textures, ses « variations ».
Au début donc de Variation(s), est le rythme, très simple, joué par les pas de Ruben Sanchez, formidable danseur de claquettes, et bientôt repris comme un thème par la musique de Jean-Baptiste Julien, qui, pour l’occasion compose une partition extrêmement bien conçue. Elle va soutenir, en son sens le plus délicat, deux portraits : celui de Ruben déjà cité et celui d’Annie Hanauer, deux collaborateurs de longue date du chorégraphe.
Tout commence donc par Ruben Sanchez, un plateau nu, juste un rectangle de plancher sonorisé, un rythme, des pas. Très simple. Très maîtrisée. Peu à peu, la frappe insiste. Se fait rageuse, colère, comme pour conjurer ce contrôle, bourdon obstiné d’une cadence imposée, avant de partir dans des modulations imprévues, des glissando de folie, ou un swing soudain reconnaissable, routine de comédie musicale qui revient, entêtée.


Après quelques coups discrets de la contrebasse, le piano, dans sa splendeur percussive, fait son entrée entrant en dialogue avec Ruben. Tout autour de son aire sonorisée, la lumière baigne de rouge le reste du plateau, resserrant d’un coup tout l’espace autour de lui. Arrivent alors toutes sortes de variations, venant échafauder comme un récit, ou une traversée, en tout cas une danse à son image, avec ses réminiscences et ses « repentirs » comme autant de biffures, qui font la griffe du danseur. Quelques frappes flamenquistes, d’autres entre shuffle et gigue, et même trois pas de Lindy Hop, et un soupçon de stepping, avec ses frappes de main qui épousent tout le corps, nous racontent une histoire à coup de rythmes et de pulsations. Puis retour au calme et au rythme initial. Rideau. Ou plutôt noir, avec descente de loupiottes inquisitrices qui semblent scruter le spectateur.


Annie Hanauer, en deuxième partie, reprend d’une certaine façon le solo là où Ruben l’avait laissé. En suspens. Avec sa musicalité subtile, Annie Hanauer recommence à énoncer la base d’un lexique, mais qui est le sien : ses bras qui se lèvent, son corps qui se tord, son dos qui ondule. Comme Ruben, elle part d’un rythme simple et obsédant, peut-être le même, mais pris dans la fluidité d’une mélodie, cette fois, qui correspond à sa danse, à sa personnalité. Il y a une sorte de silence au sein même de son mouvement avec lequel entre en résonance la musique de Jean-Baptiste Julien, et qui permet à son corps d’occuper tout l’espace. Un peu à la manière de Trisha Brown et de ses « accumulations », la gestuelle se complexifie et s’accélère, avec des passages au sol époustouflants. Dans un continuum mobile où le temps semble se dissoudre, se déploient fantôme et mécanique du corps humain. Les lumières de Stéphane Graillot ajoutent à la beauté réflexive de cette création signée Rachid Ouramdane, jouant sur les contre-jours et les dédoublements de silhouette, les clairs-obscurs, ombres colorés, qui se répètent ingénieusement d’une partie à l’autre.
C’est un spectacle à ne pas rater, dans lequel abstraction et émotion se conjuguent à la croisée d’un geste dansé.
Agnès Izrine
Le 9 octobre 2019, Bonlieu, Scène nationale d’Annecy.
N.B. : Nous regrettons de ne pas avoir les photos du spectacle.

En tournée
Le Lux - Valence 5 déc. 19
MC2: Grenoble 11 - 13 déc. 19
MA Scène nationale de Montbéliard - Bains Douches 1er avr. 20
Théâtre de la Ville / Théâtre des Abbesses 23 - 27 juin 20

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