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« Un jour » de Massimo Furlan

Un homme se meurt, et c’est assez banal. Un jour, nous y passerons tous. Sauf qu’il s’agit ici de Massimo Furlan, ce virtuose de l’image et du spectacle perturbateur. Il nous laisse dans le doute: Depuis combien de temps son trépas est engagé ? Entre la vie et la mort, où en sommes-nous?

Le débat a lieu entre le mourant, par ailleurs extrêmement vivace car magicien (cependant vite démasqué), et l’esprit trouvé dans son lit, à savoir une grand-mère coréenne (masque à l’appui). Au lieu d’une danse macabre, Furlan nous offre une satire philosophique au sujet de la mort, au troisième degré.

Galerie photo : Pierre Nydegger

Cet imprévisible Suisse-Italien aime le mélange des genres et, il est vrai qu'il n'est jamais à court d'un délire. Aussi est-il à ce jour l'un des derniers imprévisibles de la scène européenne. N'a-t-il pas signé et interprété les "reenactments" d'un Prix Eurovision de la Chanson (édition 1973) et d'un match de football historique France-Allemagne (en solo et sans ballon) ? Il aime à faire revivre ce qui n’existe plus que dans la mémoire.

Et soudain, il est parfaitement en mesure de nous décevoir avec une proposition comme Un jour, au bout du compte drôlement conventionnelle. Juste pour souligner son côté espiègle ? Un jour est l'histoire d'une rencontre manquée, alors qu'elle pourrait être toute aussi surprenante que ses créations précédentes. Un jour est traversée par une forte composante coréenne, grâce à sa fidèle interprète Sun-Hye Hur. C'est elle qui entraîne toute la distribution, voire la salle entière dans un tourbillon shamanique, ne cessant de monter en puissance (et vers le plafond), avant de tomber à plat.

Galerie photo : Pierre Nydegger

Un jour cite toutes les images de notre représentation collective et romantique du contact avec l'au-delà et le « surnaturel », les traitant avec distance ironique. Mais la différence est trop mince. Furlan veut-il jouer la carte du trouble et de la fascination, ou s’en amuser ? Un peu de chaque, c'est mi-figue mi-raisin, mi-folie mi-raison.
Une femme en horizontale, suspendue à quelques mètres du sol et entourée de chaises inclinées, c'est une belle citation de Bob Wilson, et elle ne reste pas seule. Mais les belles compositions visuelles doivent affronter cette autre idée, qui est celle de faire surgir les revenants sur un plateau de théâtre - un art en soi. Furlan veut marier humour et trouble, et finit par se perdre dans les limbes.
Galerie photo : Pierre Nydegger

Le passage, sujet coréen s'il en est ! fut au centre des créations de la compagnie nationale
http://dansercanalhistorique.com/2014/06/06/a-seoul-la-compagnie-nationale-cree-dans-un-pays-bouleverse/
et de la compagnie MAC
http://dansercanalhistorique.com/2014/06/20/binari-chant-danse-et-rituel-a-la-coreenne/
qui s’en emparent avec grâce et véracité. Nous autres Européens, nous n'avons (et c'est bien dommage) pas le même rapport au passage et pas le même talent pour mettre en scène les rituels et questionnements qui peuvent l’accompagner.
Dans son introduction humoristique avec ses allusions au clown rouge, au spectacle de prestidigitation et aux ventriloques, Furlan rappelle avec humour à quel point l’approche occidentale nous isole les uns des autres. À la fin, ses personnages sont seuls, debout ou couchés, tournant le dos au public. Chez nous, on est soit mort, soit vivant. Que se cache-t-il vraiment sous le drap blanc ? Un revenant ou une prestidigitation à grande échelle ?
Thomas Hahn
Théâtre de la Cité internationale du 16 au 18 octobre 2014 - www.theatredelacite.com
Distribution :
Mise en scène : Massimo Furlan
Dramaturgie : Claire de Ribaupierre
Avec Diane Decker, Anne Delahaye, Massimo Furlan, Sun-Hye Hur, Gianfranco Poddhige, Stéphane Vecchione
Créé le 1er octobre 2014 au Théâtre de Vidy (Lausanne)
En tournée :
3-4 décembre: Comédie de Clermont-Ferrand - Scène Nationale
12-13 novembre : Les Théâtres de la Ville de Luxembourg

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