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« Transparent Monster » de Saburo Teshigawara avec le Ballet de Lorraine

Avec une pièce pour trois danseurs du Ballet de Lorraine, Saburo Teshigawara met son style si personnel à l’épreuve d’une école radicalement différente. Une expérience à la fois poétique et scientifique.

A la Biennale de la Danse de Lyon, Saburo Teshigawara évoqua les différents formats en danse, soulignant à quel point le duo est, selon lui, la forme la plus difficile : « C’est toujours une prise de risque énorme, c’est tout à fait autre chose qu’une pièce ave six ou sept danseurs. » Le Monstre transparent ou Transparent Monster qu’il créa avec le Ballet de Lorraine est un trio, donc à mi-chemin entre les deux pôles évoqués.

C’est un « monstre » à trois têtes, six jambes et six bras que le maître japonais se plaît ici à évoquer grâce à Justin Cumine, Nathan Gracia et Willem-Jan Sas, choisis parmi les interprètes de la troupe. « Tu n’as pas de visage ni de derrière, mais tu étires, tournes et enroules tes membres d’une façon étonnante. Une centaine d’ailes transparentes sur ton dos, tu laisses de la vapeur s’échapper de ton corps et te mets à flotter. » C’est en ces termes qu’il s’adresse à cette créature tricéphale.

Mais Teshigawara n’est ni Sasha Waltz ni un Papaioannou nippon qui aiment imbriquer les corps et les interroger par les forces qui s’assemblent et créent de nouvelles architectures. La méthode Teshigawara est celle d’une liberté maximale par rapport à la matérialité et à la gravité. C’est vrai surtout dans ses duos avec Rihoko Sato, dernièrement à Lyon et à Chaillot - Théâtre National de la Danse [lire notre critique].

Comment s’articulerait donc la fluidité de son style si unique et inimitable, en rencontrant des danseurs issus des écoles européennes ? Il n’y a pas de surprise, juste de la virtuosité transférée. Le corps-souffle de Teshigawara devient un corps-machine qui accentue les articulations jusque dans des fractionnements les plus intimes. Mais le mouvement est toujours expansif, et jamais prévisible, contrairement à la danse du maître lui-même.

Teshigawara fractionne la figure du monstre, soit en un duo plus un soliste ou bien en trois solos, et on trouve, tout de même, à l’intérieur de cette constellation ternaire, un corps plus fluide, à la capacité de se désosser à souhait, flottant entre le bleu et le vert, comme pour incarner le vent et les eaux. Visiblement bien inspiré par sa rencontre avec les danseurs du Ballet de Lorraine, Teshigawara se montre ici bien plus variable et moins prévisible que dans ses duos avec Rihoko Sato.

Même si le style et certaines musiques peuvent rappeler le Forsythe des années 1980, le point d’arrivée est finalement le même, entre un duo Teshigawara/Sato et Transparent Monster: Il s’agit toujours de dissoudre le corps dans l’espace, en se servant de la virtuosité de chacun. La transposition se fait avec une rigueur quasiment scientifique qui procure paradoxalement une liberté d’invention élargie. L’adresse du maître à sa créature se termine par une image qui en dit long : « Tu es le monstre transparent, un ange dépourvu d’ailes. » Car bien sûr, les ailes ne seraient autre que le bras du même Teshigawara…

Thomas Hahn

Vu le 14 novembre 2018 l’Opéra National de Lorraine

Spectacle créé le 16 février 2018 à la BAM de Metz

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