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« A Swan Lake » d’Alexander Ekman

Dans les versions traditionnelles du Lac des cygnes, l’accent est mis sur les cygnes. Dans l’opus loufoque d’Alexander Ekman, c’est le lac qui a capté toute son attention.

Dans cette version, donc, la scène du Théâtre des Champs-Elysées est transformée en une piscine (peu profonde, certes !) où surnagent les danseurs du Ballet national de Norvège dirigé par Ingrid Lorentzen. Une longue introduction filmée nous raconte la genèse du projet, avec des images du magnifique opéra d’Oslo qui se reflète dans la mer, les versions russes inoubliables de Plissetkaya - Fadeetchev ou d’Oulanova, les détails techniques nécessaires à monter ce « Lac » 147 ans après sa création.

Mais quand le rideau se lève, de cygnes, il n’en reste que deux, Odette la blanche et Odile la noire, qui finiront par s’affronter en direct à coup de gifles et de caresses dans une scène plutôt brève.

En attendant, ce sont des personnages plutôt sombres, plus vraisemblablement sortis d’un film de Fritz Lang que de l’imagination de Petipa qui occupent le petit bain. La musique de Tchaïkovsky est, elle aussi, de sortie, remplacée par celle de Michael Karlsson. Après cette scène, un peu inquiétante avec ses lumières rasantes et sa gestuelle à l’unisson, la pièce plonge dans une folie douce et plutôt divertissante, où s’empilent pêle-mêle, des canards en plastique, une cantatrice écervelée qui laisse tomber son sèche-cheveu et électrocute (momentanément) tout ce petit monde pataugeant, des filles en maillot de bain sur pointe (bravo pour l’insubmersibilité des chaussons… on se demande quelle est la marque), un dîner aux chandelles, des ballons, une sorte de scène de tourisme de masse (au sens pondéral du terme), le tout à grands renforts de glissades et de jets, d’aspersions et de pulvérisations.

Plus qu’à un « lac » c’est à un grand « splash » que nous assistons, avec des moments qui ne sont pas sans rapport avec le Vollmond de Pina Bausch, ou avec la célèbre Sinfonia Eroica de Michèle-Anne de Mey… car l’eau sur un plateau produit inévitablement les mêmes effets de glisse et de jaillissements, d’apersions et de nappes, que les danseurs peinent à contrôler. C’est toujours beau comme le débit de l’eau… mais toujours un peu facile aussi. Tout ça finit dans une sorte de burlesque joyeux et foutraque que n’auraient sans doute pas renié Les Ballets Suédois de Rolf de Maré qui avaient fait du Théâtre des Champs-Elysées leur port d’attache parisien dans les années 1920.

Galerie photo © Erik Berg

Finalement, on se demande pourquoi Ekman a choisi d’aller se noyer dans un Swan Lake qui ne le traite qu’en lointaine référence, même si, manifestement, il nous a manqué le 1er acte  pour en juger.

La réponse est sans doute dans la vidéo du début, avec tous ces Lacs des cygnes soviétiques. On sait à quel point la pièce a pu servir à détourner – littéralement divertir –  le regard lorsqu’un problème éclatait en Russie, y compris pour la mort de Staline où le Lac était diffusé en boucle sur le petit écran. Peut être est-ce ce que veut nous dire ce Swan Lake suédois : si l’on vous montre un lac, des cygnes en forme de divertissement, il est temps d’ouvrir l’œil !

Agnès Izrine

Le 29 mars 2017, Théâtre des Champs-Elysées, Paris.

[1] Le plateau du TCE n’ayant pas le format suffisant pour celui-ci.

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