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« Se méfier des eaux qui dorment » création d’Yvann Alexandre

Un Lac des cygnes splendide et déroutant !

Programmée dans le cadre de Faits d’hiver qui est fort malheureusement annulé, les professionnels ont pu assister en jauge très réduite à la création de Se méfier des eaux qui dorment d’Yvann Alexandre au théâtre de la Cité Internationale.

Alors que les spectateurs sont clairsemés et masqués, Yvann prend la parole. Très ému d’être enfin sur scène et d’avoir l’occasion de faire découvrir sa pièce, il déclare que ce filage est un acte de naissance et non une première. 

Tous vêtus de longues robes noires, huit danseurs investissent le plateau dans un style chorégraphique très esthétique avec une splendide danse tourbillonnante D’ailleurs, Yvann a déjà prouvé qu’il sait parfaitement bien maitriser des ensembles d’interprètes et occuper des espaces qu’ils soient immenses (la Conciergerie) ou réduits. 

Ici, pas de notion de genre. Ce n’est que bien plus tard que l’on se rendra compte qu’il s’agit de deux femmes et six hommes. Sur des sons étranges et une création musicale de Jérémie Morizeau, il est tout d’abord peu évident de comprendre l’origine du titre de la pièce. 

Et c’est justement tout l’intérêt de l’écriture dramaturgique qui se déploie pas petites touches successives lorsque soudain résonnent des extraits du Swan Lakede Tchaïkovski. Une musique et surtout une chorégraphie de Petipa que l’on connait presque par cœur. 

Et là, alors que les interprètes interviennent toujours en noir mais en short ou pantalon, dansent en trio, duo, solo ou en ensemble, il faut un certain temps pour comprendre à quel point Yvann Alexandre a réussi le miracle de déconstruire pour reconstruire des séquences qui semblaient intouchables. 

Un rigoureux travail de ports de bras, des glissements, quelques frôlements, des mains qui se croisent tout cela dans un rythme qui ne colle jamais à cette musique légendaire, donnent à son Lac des cygnes une intense vérité sur la vie, sur l’être, sur les rêves et les émotions. 

La musique symphonique est ponctuée de sons d’oiseaux, de percussions, ou l’inverse car on ne sait plus qui est le dominant. Aussi,on ne cherche plus à cerner décomposition et recomposition tant le miracle opère et sidère. 

Au sein d’une profusion d’informations entre la parole d’un chaman qui « lève l’interdit », les sonorités propres à la nature amazonienne, seule l’inclinaison du cygne mourant est calquée sur le classicisme du solo de La Mort du cygne signé Michel Fokine. 

Quelle splendide audace et quelle harmonie ! En brouillant les pistes, Yvann Alexandre signe une œuvre remarquablement bien pensée et magistralement bien interprétée où l’émotion, l’humour, la puissance et la poésie traitent de thèmes inhérents au XXIème siècle.

Sophie Lesort 

Répétition vue le 14 janvier 2021 au Théâtre de la Cité Internationale 

Se méfier des eaux qui dorment 

Conception et chorégraphie : Yvann Alexandre

Interprétation : Lucile Cartreau, Alexis Hedouin, Louis Nam Le Van Ho, Théo Marion-Wuillemin, Félix Maurin, Lucas Réal, Marie Viennot, Fabrizio Clemente ou Lorenzo Vanini

Lumières : Olivier Blouin

Création musicale : Jérémie Morizeau

Costumes : Clémentine Monsaingeon

Assistante artistique : Claire Pidoux

Conseillère musicale et orientation anthropologique : Madeleine Leclair

Collections sonoresavec l’aimable courtoisie du Musée d’Ethnographie de Genève (MEG)

 

 

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