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« Samsara », la nouvelle création de Jann Gallois

Artiste associée à Chaillot - Théâtre National de la Danse, Jann Gallois attache sept danseurs à une longue guinde noire, en quête de Nirvana.
À découvrir jusqu'au 17 novembre à Chaillot puis le 21 novembre au TPE de Bezons.

Il n’était sans doute pas indispensable pour Jann Gallois de rattacher l’écriture de sa nouvelle pièce à la notion bouddhique de Samsara. Le but est la métaphore, une matérialité qui se fait spirituelle. Sa méthode: Ne rien cacher du poids de l’attachement aux envies matérielles, mais au contraire en accentuer les lignes, les croisements, les nœuds…. Et puis, danser, la corde au corps, la corde au cou, telle une hydre sans merci, certes souple mais en même temps forte, massive, lourde…

Cela suffirait pour créer un spectacle fascinant. La réussite de ce voyage vers le Nirvana part du fait que l’idée de purification n’alourdit pas le propos. Prenant appui sur 100 kg de corde noire et environ 400 kg de corps humains, Gallois invente un système de suspension mutuelle qui doit tout aux forces physiques des uns et des autres, à la résistance de la matière et à la gravité. Ensemble, les sept interprètes – à moins qu’ils soient au nombre de huit, en incluant la guinde –  font surgir un fascinant kaléidoscope scénique qui ne cesse de se dissoudre pour se reconstituer sous une autre forme. 

De corps et de cordes

On reste bluffé par la complexité d’un mécanisme aussi harmonieux que mobile, enlaçant les sept corps. Modélisation mathématique ? Conception informatique ? Ou bien principe de sagesse millénaire ? La recherche menée sur l’étonnante structure faite de corps et de cordes est énorme. A partir des phénomènes les plus matériels qui soient, le groupe engage un dialogue avec le temps, les désirs, le soi, les peurs, le partage, les aspirations spirituelles… Cette cordée ne connaît ni premier, ni dernier. Solidaire et stable, elle se renouvelle à chaque instant, donnant corps à ce « tout ce qui circule », donné comme équivalent français du terme de « samsara ». 

Galerie photo © Laurent Philippe

 

Avec Samsara, Jann Gallois fait son coming out officiel en tant que bouddhiste. Mais en même temps, elle revient à ses réflexions et ses expérimentations initiales, dans son solo fondateur P=mget son duo Diagnostic F20.9,tous deux portés par une recherche sur les limites de l’humain, face à sa condition physique et ses limites. Gallois a étudié la musique, et aussi les mathématiques et la physique, ce qui la rapproche d’un certain Yoann Bourgeois. Et justement,  on songe aux dispositifs scénographiques du chorégraphe-circassien, ou encore à son travail sur le groupe face à une force (de rotation) majeure dans Celui qui tombe

Chutes et élévation

Samsara renvoie à la puissance des tentations terrestres. La métaphore est lourde comme cette guinde noire qui saurait immobiliser un paquebot, mais la mécanique est fluide et légère. Entre les humains attachés les uns aux autres, se déroule moult histoire brève mais mouvementée, et chaque mouvement d’une personne a un impact immédiat sur les six autres. Deux amants tentent de se rapprocher, mais la force du groupe les fait bondir en arrière. 

D’autres tentent de gagner la liberté, mais face au précipice, leurs camarades les font revenir dans leur giron. On songe donc aux migrants, avant de se souvenir de l’aspiration voulue purement spirituelle de la pièce et de ses aller-retours entre la terre et les cieux. Et il y a les tableaux burlesques, marionnettiques et guignolesques, où les bras des uns sont manipulés par les autres, grâce à la corde. 

Galerie photo © Laurent Philippe

A plusieurs reprises, une sphère argentée circulaire, porteuse de projecteurs, descend des cintres. Un homme, technicien devenant manipulateur, accroche les sept corps à ce satellite qui va les soulever à plusieurs reprises. D’abord, pour dépasser leur condition matérielle, les corps approchant un état lichénisé. Mais ils redescendent. La deuxième fois, ils montent, suspendus la tête vers le bas. Sans souffrir. Grâce à la guinde, diront les uns. Grâce à leur ascension spirituelle, diront les autres. 

A leur ultime lévitation, les sept nirvanautes créent l’un des tableaux les plus mémorables jamais produits en danse contemporaine, un kaléidoscope aérien, un poème acrobatique et visuel en constante transformation, quadruplé au sol par un jeu d’ombres subtil et complexe. Où l’on touche aux arts de la piste sans y penser, puisque la rotation a investi un espace immatériel. Il ne manque à ce Samsara que l’implication du public par une dimension circulaire partagée. Ou bien, à défaut, un dispositif quadrifrontal, ou pour le moins bifrontal, pour que la cordée soit à son tour traversée par des fils invisibles, se tissant entre les spectateurs, pour passer de la démonstration physique à une vraie implication spirituelle. 

Thomas Hahn

Spectacle vu le 9 novembre 2019 à Chaillot-Théâtre National de la Danse, salle Firmin Gémier
Chaillot – Théâtre National de la Danse : Jusqu’au 17 novembre

Prochaine date : 21 novembre à 20h30 , Bezons, Théâtre Paul Eluard

Tournée 2020 : 

15 janvier 2020 , Théâtre de Rungis
3 mars 2020, Angers, Le Quai – CDN
6 mars 2020, Vernouillet, L’Atelier à Spectacles
10 mars 2020, Bayonne, Scène Nationale du Sud-Aquitain
12 mars 2020, Tarbes, Le Parvis, Scène Nationale
20 mars  2020, Théâtre de Châtillon
31 mars – 2 avril 2020, MAC Créteil
9 avril 2020, Limoges, Théâtre de l’Union

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