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« Sama » d'Arushi Mudgal et Roland Auzet au Musée du Quai Branly

Roland Auzet crée ses instruments de musique sur mesure. Dans Sama, ils ne sont pas des instruments, mais une scénographie spectaculaire et active: Un bâton de pluie haut comme un homme, des caissons triangulaires qui finissent par former un plateau (un vrai jeu de Tangram), une énorme roue pleine de surprises acoustiques dans laquelle Arushi Mudgal peut se déployer telle une circassienne dans sa roue cyr...

Mais malgré leurs dimensions impressionnantes, les roues, bâtons ou autres volumes relèvent d'une finesse et d'une légèreté étonnantes. Manipulés par Roland Auzet, ils s'affirment dans leur élégance et leur noblesse, dues autant à une rigueur géométrique rappelant le Bauhaus qu'à la finesse des matériaux employés. De vrais Stradivarius de l'imagination percussive qui ne renoncent pas à une part d’autonomie.

Quand Arushi Mudgal entre en scène dans sa robe verte et noire, on la prendrait volontiers pour une présence végétale dans une forêt symbolique. Ses mains et ses bras se font légers comme l'air qui caresse les roseaux, face au chêne. Et en effet, Mudgal se met à conter une fable. Sama joue du contraste entre la femme et l'homme, entre la souplesse d'une interprète majeure de l'Odissi et un être plutôt cérébral, chercheur-marcheur-frappeur coincé dans son costume de ville très business (class).

Sama raconte l'histoire d'une rencontre. Comment on cherche, comment on engage un dialogue à partir de rythmes, comment les frappes des mains et des pieds sur des volumes creux portent l'espoir de toucher du solide, quelque chose à pétrir, à ruminer, à mettre en musique ou en mouvement. Donc, lui finit par se mettre derrière elle, pour apprendre des trucs comme des mudras, après que ses propres mains ont cédé à l’incrédulité, dans un dialogue percussif mené tambour battant. .

Et pourtant, comment se fait-il qu'en portant autant d'intérêt l'un à l'autre, le spectacle ne soit pas enchanté par une dimension plus chaleureuse? Mudgal a beau se libérer et laisser flotter ses longs cheveux noirs pour revisiter et secouer ses racines chorégraphiques come on secoue un vieux cocotier.  Rien à faire, le sérieux d'Auzet l'emporte toujours, si bien qu’on a l'impression de se trouver dans un séminaire de recherche à l'Ircam.

Les résonances musicales sont trop téléphonées pour créer un sens au-delà des dialogues entre deux paires de mains ou deux mains et deux pieds, aussi jolis soient-ils. Sama est une présentation du matériau, sans conteste magnifique, à partir duquel on pourrait créer un spectacle vraiment envoûtant. Mais comment enchanter complètement ce début si prometteur? Comment trouver ce supplément d’âme dans un monde en manque de compassion? Pas facile...

Et si on invitait sur le plateau un musicien indien, ou deux ou trois? Musiciens contemporains, non muséaux... Mais il faut à la danseuse un référent affectif, un répondant capable de porter la dimension de sa tradition. Il faut un dialogue entre deux cultures musicales pour célébrer la danse telle une confluence, pour dépasser une narration construite sur l'opposition masculin-féminin. La danse n'en serait que plus libre, et la danseuse aussi.

Thomas Hahn

SAMA
Conversation rythmique, par Arushi Mudgal & Roland Auzet
du jeudi 1er au samedi 3 octobre 2015 à 20h
dimanche 4 octobre 2015 à 17h

www.quaibranly.fr

 

 

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