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Romeo Castellucci/Silvia Costa : « Natura e origine della mente »

Des arts du cirque à la performance, la suspension est devenue un sujet d’étude et un vecteur métaphorique de choix, permettant de placer un corps au croisement de forces gravitationnelles, musculaires et mentales. Certains, comme Chloé Moglia ou Kevin Jean, la travaillent dans le dépouillement total, plaçant la force du dépassement dans la volonté et la sueur, selon leurs origines artistiques circassiennes.

D‘autres ajoutent une part d’énigme en créant l’illusion d’une suspension sans effort physique. Dans Nature e origine della mente, on ne peut que deviner comment Silvia Costa tient en l’air, suspendue à un fil métallique auquel elle s’accroche d’un seul doigt, quatre mètres au-dessus des  têtes des spectateurs qui se baladent sous ses pieds. Longue robe, visage angélique, romantisme absolu.

Elle incarne la Lumière, celle qui s’en va, lentement. Et Costa monte vers le haut de quelques mètres supplémentaires, vers le noir éternel. Au sol, le public incarne le regard, celui qui crée la réalité, selon Spinoza cité par Castellucci au sujet du pouvoir de l’esprit sur le réel. Ce n’est pas un chorégraphe qui mettra en question le pouvoir du regard. Sans spectateurs, pas de création. Mais le pouvoir du regard prend aujourd’hui des formes médiatiques et donc obscènes.

Le public se trouve dans une boîte fermée, et malgré le sol blanc nous devinons qu’il s’agit de la camera oscura. Un énorme chien noir se balade au sol, s’assoit, se laisse caresser et émet les réflexions sonores de la caméra, en dialogue avec la Lumière. Au spectateur s’offrent trois perspectives. En haut, l’énigme de la suspension. Au sol, le chien noir dans le rôle de la Caméra. Et devant, le trou de serrure, silhouette de la femme-lumière, ouvrant sur du noir depuis la boîte blanche. Le public entre et sort par ce trou et entretemps, observe les corps de six femmes, d’abord en chemises de nuit blanche, et finalement enchevêtrées, nues.

Au dialogue entre la Lumière (« Maintenant les humains dictent les lois éternelles de l’espace et de la lumière? ») et la Caméra (« Tu es la seule chose que je ne peux faire ») s’immisce la voix de l’esprit, manipulateur. Castellucci prend appui sur L’Ethique de Spinoza, où le corps est interrogé à travers l’esprit.

Le triangle Lumière-Esprit-Caméra s’élève au-dessus de la présence du corps. Celui de la Lumière (des Lumières ?) s’efface, celui du chien se transforme en voix. Ceux qu’on voit à travers le « trou de serrure » ne sont que chair fantasmagorique, et tout autant en suspension. Entre un squelette…

Et le spectateur aussi sent son enveloppe charnelle se transformer en une pure vision de l’esprit.

Cette installation performative, créée dans une première version pour la Biennale de Venise de 2013, sera suivie de Quello che di più grande l'uomo ha realizzato sulla terra de (et avec, entre autres) Silvia Costa.
 

Thomas Hahn

Natura e origine della mente
Théâtre de Gennevilliers, du 7 au 13 mars 2016
Conception et direction : Romeo Castellucci

Texte : Claudia Castellucci
, Traduit en français par Jean-Louis Provoyeur

Son : Scott Gibbons

Avec : Silvia Costa
, Louise Arcangioli, Clémence Boucon, Moïra Dalant, Flora Gaudin,Olivia Lioret et Garance Silve,

Stephane Coichot et le chien Elboy du Domaine de Flambeau

Avec la voix de Bernardo Bruno

Sculptures : Istvan Zimmermann & Giovanna Amoroso

www.theatre2gennevilliers.com

 

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