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Romeo Castellucci : Six face-à-face avec la mort

Dans Le Metope del Partenone, Romeo Castellucci fait entrer par six fois, dans la Grande Halle de La Villette, une ambulance avec son équipe de secouristes. On vous évite ici la description détaillée des crises cardiaques, blessures ouvertes et autres flaques de sang.

Peut-on donner à Paris un spectacle qui met en scène la mort de six personnes, l’une après l’autre, de façon ultra-réaliste, quelques jours après les attentats islamistes qui ont coûté la vie à 130 personnes ?

Le soir du 23 novembre, Romeo Castellucci prend la parole avant le début de Le Metope del Partenone  et souligne que le spectacle a été créé, dans la même forme exactement, à Bâle en juin 2015. Il présente ensuite ses excuses au public parisien : « Cette action a le malheur de contenir des images identiques à ce que les Parisiens viennent de vivre il y a seulement quelques jours. Cette action a le malheur particulier d’être un miroir atroce de ce qui est arrivé dans les rues de cette ville. Images difficiles à supporter, obscènes dans leur exactitude inconsciente. Vous seuls pouvez décider quoi faire. »

« Rester ou partir. Je suis conscient que trop peu de temps a passé pour traiter cette masse énorme de douleur et que nos yeux sont toujours grand ouverts sur la lueur de la violence. Je suis conscient de cela et je vous demande pardon. Mais je suis impuissant et ne peux rien faire face à l’irréparable que le théâtre représente. »

Si cette performance peut représenter une épreuve pour les spectateurs, quid des comédiens ? Mourir deux fois par jour, « c’est dur », comme l’avoue l’une des blessés factices. Jouer sa propre mort dans des circonstances terrifiantes et réalistes, n’a rien à voir avec la mort d’un personnage chez Shakespeare ou Edward Bond.

Il y a ici ni texte ni contexte, ni nom ni prénom. On meurt en anonyme, en énigme. Les secouristes sont des professionnels authentiques, pas des acteurs. Leurs « Comment vous appelez-vous… qu’est-ce qui s’est passé… restez avec nous… ouvrez les yeux…. » se mêlent aux communications radio et aux bip de l’ECG. Les prestations des interprètes sont d’autant plus remarquables.

La vie s’en va, on couvre le corps. L’actrice ou l’acteur se lève et sur le mur apparaît une énigme, comparable à celle posée par le sphinx. Mais Castellucci soutient qu’il « ne faut pas résoudre les énigmes, car ceux qui le font vivent dans le malheur, comme Œdipe. » (1) Pourtant, à chacune des six  énigmes posés, la solution est donnée. Elle est à trouver en l’espace d’une minute, le temps accordé aux ambulanciers pour sauver les blessés. 

Devons-nous donc vivre dans le malheur ? Sans doute. Notre malheur n’est pas seulement d’être mortels, mais aussi de ne pas réussir à résoudre l’énigme de la vie. Le Metope del Partenone met en scène la vie à travers la mort. On peut ressentir les scènes de décès comme insoutenables, mais on en arrive aussi à se sentir soi-même d’autant plus vivant. Castellucci signe ici non un spectacle sur la mort, mais sur l’énigme de la vie.

La mise à distance théâtrale relativise l’horreur. L’authenticité des sauveteurs rend la situation théâtrale, et donc fausse. On observe la préparation des acteurs et des lieux des drames, et bien sûr, le public est là pour observer ensemble.

L’une des énigmes décrit par ailleurs l’œil (pardon de donner ici l’une des solutions), en accord avec l’une des préoccupations principales de Castellucci: « Que signifie aujourd’hui regarder ? C’est seulement si je choisis de regarder que je peux m’approcher de ce qui pourrait ressembler à un choix. »(1) Le Metope del Partenone se déroule dans un espace assez large pour laisser à chacun le choix de son degré de proximité et de la manière dont il veut affronter les scènes. Car il peut arriver que « l’observateur devient l’observé, de sorte que je peux dire que le spectacle le voit. » (1)

Thomas Hahn

Grande Halle de La Villette, tous les jours jusqu’au 29 novembre, 13h et 19h (dimanche : 18h)

Relâche mercredi

http://lavillette.com/evenement/castellucci-metope-partenone

http://www.festival-automne.com/edition-2015/romeo-castellucci-le-metope-del-partenone

1.Brochure programme du Festival d’Automne

 

 

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