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« d’après une histoire vraie » de Christian Rizzo

Avec son titre, finalement très littéraire, d’après une histoire vraie, raconte l’histoire d’une sensation et de son inscription dans les replis d’un inconscient. À la croisée exacte du corps et de la mémoire. A ne pas rater le 6 juin au festival La Maison Danse à Uzès !

« En 2004 à Istambul – raconte Christian Rizzo, À quelques minutes de la fin d’un spectacle auquel j’assiste, surgit comme de nulle part une bande d’hommes qui exécute une danse folklorique très courte et disparaît aussitôt. Une émotion profonde, presque archaïque, m’envahit. Était-ce leur danse ou le vide laissé par leur disparition qui m’a bouleversé ? Bien que floue, cette sensation est restée depuis ancrée en moi. »

Prenant donc un point aveugle pour point de départ d’après une histoire vraie se déploie comme on déplierai les méandres du désir, ou du souvenir. Aussi obscurs. Car le chorégraphe « n’aime pas montrer des corps glorieux » et « préfère des corps abandonnés, fragiles, se fragilisant ».

Galerie photo © Laurent Philippe

 

Remontant alors le cours du temps à la recherche de l’émotion originelle, il rencontre l’écriture. Car finalement, seule une fiction vibratile peut venir combler le vide de la sensation perdue et ressusciter la vivacité du trouble ressenti. Et d’après une histoire vraie tisse littéralement des bribes fictionnelles qui empruntent au folklore méditerranéen tout en plongeant profondément dans l’univers étrange et palpitant de Christian Rizzo et son idiosyncrasie chorégraphique.

Sur le plateau entrent un par un les huit danseurs, chacun se glissant dans la gestuelle de son prédécesseur et l’augmentant d’une nouvelle posture. De sombres éphèbes dont la virilité barbue s’infléchit de leurs cheveux qui flottent au vent. Reprenant, d’une certaine manière, la figure du guerrier qu’une féminité augmente, chère à la littérature du XIXe siècle.

La composition se complexifie laissant apparaître des fils qui entrelacent les chandelles et les appuis bancals chers à Rizzo à des mouvements venus d’ailleurs : mains croisées derrière le dos pour une marche sans fin, hommes qui se tiennent par l’épaule et s’alignent, paumes qui se tournent vers le ciel…

Galerie photo © Laurent Philippe

Soudain les deux batteries tenues par le compositeur Didier Ambact (qui collabore souvent avec Christian Rizzo) et King q4 déferlent, ondes et timbres qui répondent à la lumière atmosphérique de Caty Olive. Sur un seul et même morceau aux confins de la musique tribale, du rock psychédélique et du dub, les batteurs (formidables !) déclenchent rafales et chaos. L’intensité de leurs percussions délivre les corps et déchaîne soudain les passions. Les danseurs vrillent, sautent, s’échappent et reviennent au groupe dans des voltes sourdes, jaillissent, se réunissent et se dissolvent dans de fiévreuses ondulations redonnant vie à cette effraction du regard originelle, matrice d’après une histoire vraie.

Se contenter de cette lecture littérale ne suffirait pas à envelopper cette pièce dont la portée symbolique et politique dépasse très largement le seul surgissement du désir.

Dans cette horde communautaire masculine des bords de la méditerranée les gestes sont aussi ceux de la révolte et de l’impuissance, des pierres que l’on jette, d’hommes à terre, où rodent la mort et l’humiliation.

Galerie photo © Laurent Philippe

Et ce n’est pas la transe, virile, pulsionnelle, qui saisit ces hommes en grappe qui pourront calmer les images qu’ils font éclater à la surface de la scène – qui pour être primitive, n’en est pas moins profonde. Comme l’ombre qui finit par envahir le plateau.

Agnès Izrine -
Le 8 juillet 2013 - Festival d'Avignon, gymnase Aubanel

Le 6 juin 2025 à 20h15 au festival La Maison Danse à Uzès

Distribution

conception, chorégraphie, scénographie et costumes Christian Rizzo
musique Didier Ambact et King Q4
lumière Caty Olive
avec Fabien Almakiewicz, Didier Ambact, Yaïr Barelli, Massimo Fusco, Miguel Garcia Llorens, Pep Garrigues, Kerem Gelebek, King Q4, Filipe Lourenco, Roberto Martínez

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