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« Plus de muse… » d’Anna Gaïotti

Surprenante et troublante découverte aux Inaccoutumés 2016 : Anna Gaïotti avec la création de son solo Plus de muse, mais un troupeau de muets.

Plus de muse mais un troupeau de muets est un solo coup-de-poing qui révèle une performeuse radicale. Anna Gaïotti crée des images vacillantes, apparemment contradictoires et porteuses d’une poétique profondément fascinante. Ces icônes frappent d’autant plus fort que Gaïotti travaille avec des moyens volontairement réduits, à partir de son corps et de quelques accessoires vestimentaires.

Gaïotti est poétesse et publie ses propres recueils, sans manger ses mots. « Je suis un clown sur claquettes. Je rentre dans mon pas, je m’emporte dans mon rythme. Je ritualise l’espace, un cercle autoritaire. Un cul que je fends par la raie pour présenter des fragments de gestes… » écrit-elle dans un poème qu’elle intitule Annus. Et Nature vivante 3 parle d’un « bronze dans son propre soleil / je te prends entre deux cuisses / le jus colle à la peau / s’éponge dans la chair... »

Ces lignes pourraient très bien décrire son personnage, ou mieux, son apparition sur scène. En sortant de profondeurs noires peu sondables, elle ressemble d’abord à un guerrier pour ensuite coller des feuilles dorées sur son visage. Comme dans un rite ancestral, assise dans une fragilité mystérieuse, elle se transforme alors en divinité mythologique. Cette transgression shamanique opère de tous parts dans Plus de muse…

Les identités sexuelles sont les premières à être remises en jeu, dans une fémi-masculinité apparemment désérotisée, cachant une sexualité immanente mais retenue le temps de cette déambulation désarticulée. Droite dans ses bottes ? Pas tout à fait. D’abord, en raison des semelles de sept lieues qui la font trébucher. Ensuite, elle semble subir des violences inavouées pour les transformer en burlesque, jouant avec la pesanteur et la chute. Est-ce le tiraillement entre les deux pôles qui déstabilise ce corps, ou simplement son altitude qui en bouleverse l’architecture naturelle ?

Gaïotti crée des images au plus près de nos mythologies intérieures, au ras d’une animalité refoulée. Ces clochettes qu’elle se colle sur et entre les jambes, qu’elle fait sortir de son anatomie, évoquent autant d’escargots ou autres bestioles. Au passage, l’organe génital féminin peut se révéler puissant et intrusif. Tout, jusqu’au plus monstrueux, s’affirme avec une force tranquille qui prend le contrepied du troupeau de muets que nous sommes, peut-être. Et si Gaïotti juge que les muses nous ont quittés, elle devrait prendre place face à un miroir, pour en apercevoir une qui est en train de s’affirmer fort.

Thomas Hahn

Vu le 19 novembre

Spectacle crée le 17 novembre 2016 à la Ménagerie de Verre, Paris, dans le cadre des Inaccoutumés.
Conception, danse : Anna Gaïotti
Musique : Nina Garcia
Création lumière et régie : Baptiste Joxe
Regards extérieurs : Léa Drouet, Mark Tompkins
 

 

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