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« Pina Bausch » de Rosita Boisseau et Laurent Philippe

Est-ce un hasard ? Avant les fêtes de fin d’année, nous arrive un beau livre de danse, signé de la journaliste Rosita Boisseau et du photographe Laurent Philippe, consacré à l’œuvre de la chorégraphe Pina Bausch, disparue il y a tout juste dix ans.

Pour parer au risque de monotonie inhérent à toute monographie, l’auteure et l’éditeur ont intercalé des pages lyriques aux descriptions cliniques de pièces se succédant à raison d’environ 3000 signes chacune. Pour le lecteur béotien, non au fait du Tanztheater, domaine particulier de la danse moderne dans lequel Pina Bausch a été une figure importante, mais non la seule, l’introduction eût pu donner plus d’informations précises lui permettant de situer aussi bien l’artiste que l’œuvre dans le contexte historique allemand de la fin des années soixante – on pense à l’influence de l’Antiteater de Rainer Werner Fassbinder et au rôle des « cousines » Reinhild Hoffmann et Susan Linke, pour ne prendre que deux exemples.

Dans son chapitre « Les bras d’abord », Rosita Boisseau rapproche le port de bras de la « danse d’expression » bauschienne de celle du ballet classique auquel elle-même fut formée, y compris lors de son passage chez Kurt Jooss. Elle cite son apparition funambulesque dans Café Müller mais ne dit rien de sa remarquable interprétation de la Vieille Femme dans La Table verte, en 1967. À côté d’autres omissions – on pense à son agent en France, Thomas Erdos, à Gérard Violette, à Rudolf Rach –, on note, ici ou là, quelque redite. 

On peut avoir l’impression que, pour une fois, le texte illustre l’image. Les photos en couleur de Laurent Philippe, plus splendides les unes que les autres, conquièrent les deux tiers de l’espace. Elles animent et rythment l’ordre implacable de la chronologie. Quoiqu’elles aient été prises vingt ans après la bataille, une fois que l’esthétique et les créateurs d’origine avaient imposé la marque de fabrique bauschienne, elles valent les archives grisâtres et granuleuses des années 70, sinon les longs discours.

La scénographie étant restée inchangée, les costumes, au départ chinés aux puces ou dans les boutiques de seconde main, confiés aux soins de la styliste attitrée, Marion Cito, la troupe, vieillie ou en partie substituée, chaque cliché, en un clin d’œil, donne une idée fidèle du spectacle dont il est question. Une scène de la dernière pièce de Pina Bausch, « ...como el musguito en la piedra, ay si, si, si... », une composition oblique aux teintes complémentaires, un collage mi-écologiste, mi-surréaliste, montrant la jeune danseuse Clémentine Deluy vêtue d’une robe du soir écarlate, portant un arbuste dans son Rucksack, sert de couverture à l’ouvrage. Des dizaines d’autres suivront, de la demi à la pleine, voire à la double page, tantôt en paysage, tantôt en portrait, chargées d’histoire... l’histoire par ailleurs relatée. 

Galerie photo © Laurent Philippe

Certaines prises de vue accrochent le regard, ne serait-ce que par leur glamour, comme celle de 2001 présentant Regina Advento dans Água ou celle de 1996 avec le couple Julie Shanahan-Jan Minarik dans Kontakthof. D’autres, valorisent ou bien l’accoutrement, comme la même Shanahan, en 2012, dans un tableau hyperréaliste tiré de 1980 - Une pièce de Pina Bausch, ou bien la spectaculaire déco, comme le duo formé par Julie-Anne Stanzak et Lutz Förster dans Nelken, l’homme étant légèrement flouté, la photo datant encore probablement de l’ère analogique. Les textes clairs et les visuels, magnifiquement mis en page, sont admirablement imprimés et édités, tous et chacun ayant mis du cœur à l’ouvrage.

Nicolas Villodre

Pina Bausch de Rosita Boisseau et Laurent Philippe, Paris, Nouvelles Éditions Scala, 2019, 192 p., 180 photos, 35 €.

 
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